mercredi 29 février 2012

L’extériorisation de la franc-maçonnerie belge : l’exemple de la coopération internationale en matière de culture et de recherche maçonniques

Roby, Décors d'un franc-maçon anglais, d'après un portrait du XIXe siècle Roby, Décors d'un franc-maçon anglais, d'après un portrait du XIXe siècle

Au cours de la première moitié du xxe siècle, dans plusieurs états européens, la franc-maçonnerie, qui avait été une réalité très présente auparavant, a subi des persécutions tant idéologiques que politiques. Pour pouvoir reprendre la place qu’elle occupait traditionnellement dans la vie civile, cette société initiatique a dû combattre pendant le demi-siècle restant contre les faux clichés et stéréotypes issus de cette période d’hostilité. Après que l’opinion publique se soit en grande partie émancipée des thèmes mystificateurs du secret et du complot maçonniques – appartenant à une tradition antimaçonnique vieillissante et pluriséculaire, exploitée de manière répétitive – la maçonnerie ou les maçonneries nationales se sont progressivement extériorisées pour se faire connaître et pour faire savoir qu’elles n’avaient rien à cacher, sinon l’indicible du vécu initiatique. Dans la plupart des cas, elles l’ont fait en donnant vie à des musées et à des centres culturels qui, de nos jours, enrichissent les patrimoines nationaux et créent de remarquables réseaux internationaux en matière de collaboration culturelle. Au cours de l’année passée, la maçonnerie belge a été un acteur indiscuté de ces formes d’extériorisation, tant au plan national qu’international.

À la fin mars 2011, aux 73-75, rue de Laeken à Bruxelles, le bâtiment néo-classique dit Hôtel Dewez, dont la restauration l’a ramené à sa splendeur originelle, a été inauguré comme nouveau siège des bureaux du Grand Orient de Belgique, du Centre de Documentation maçonnique du Grand Orient de Belgique (CEDOM) et du Musée belge de la Franc-maçonnerie (MBFM). Le CEDOM existe depuis 1969 et son but est d’abord de rassembler et centraliser la documentation ayant trait à la franc-maçonnerie ; en deuxième lieu de faciliter la collaboration avec les autres obédiences belges et en dernier lieu de mettre cette documentation non seulement à disposition des affiliés, mais aussi et surtout à la disposition des étudiants et chercheurs maçons ou profanes. En revanche, les origines du MBFM remontent à 1833, mais il est ouvert au grand public depuis 1999 seulement. Ce musée représente un cas unique au monde, car il est géré par plusieurs obédiences et suprêmes conseils belges, réunis dans le souci commun d’information afin de démystifier la maçonnerie et d’inciter le visiteur à la réflexion (le Grand Orient de Belgique, la Grande Loge féminine de Belgique, la Grande Loge de Belgique, le Droit humain, le Souverain Collège du Rite écossais et, au niveau du conseil d’administration, la Grande Loge régulière de Belgique, le Suprême Conseil du Rite écossais pour la Belgique, le Suprême Conseil du Rite écossais de la Belgique, le Suprême Conseil féminin de Belgique, le Grand Chapitre général de Belgique, le Grand Chapitre général féminin de Belgique y sont aussi représentés). D’ailleurs, comme l’a affirmé l’ancien Grand Maître du Grand Orient de Belgique et actuel président du musée, Henri Bartholomeeusen, dans un discours prononcé le 27 avril 2011, « seul un musée permet de transmettre au plus grand nombre l’itinéraire d’une route que les maçons ne découvrent qu’en marchant ».

Les nouveaux locaux donnent un nouvel élan à la maçonnerie du Grand Orient de Belgique – première obédience maçonnique née après la formation du Royaume de Belgique – et à ses deux centres d’étude, de conservation, d’information et aussi de pédagogie. En effet, la disposition de nouveaux et plus amples espaces élargit énormément les possibilités d’accessibilité et d'emploi, surtout en ce qui concerne le MBFM. À l’inauguration du nouveau bâtiment, ce fait a été célébré par les représentants desdits centres et souligné par la participation considérable des autorités maçonniques belges et étrangères et des autorités politiques et institutionnelles belges.

Mais le MBFM et surtout le CEDOM, en 2011, ont été aussi à l’origine d’une autre initiative vouée à l’extériorisation du fait maçonnique, mais cette fois au plan international. Il s’agit de l’Association des Musées, des Bibliothèques et des Archives maçonniques en Europe (AMMLA), constituée en association internationale sans but lucratif en juin 2011 à Bruxelles, mais dont les statuts remontent à une rencontre qui a eu lieu à Londres en 2005. Le directeur du CEDOM, Frank Langenaken, est aussi secrétaire de cette association, tandis que l’actuel Grand Maître du Grand Orient de Belgique, Joseph Asselbergh, en est le trésorier et l’Allemand Roland Hanke le président du conseil d’administration. Outre les centres culturels d’Allemagne et de Belgique – dont aussi la bibliothèque de la Grande Loge régulière de Belgique –, font aussi partie de cette association des musées, des bibliothèques et des archives maçonniques d’Italie, de Suède, d’Espagne, de France, d’Angleterre, de Roumanie, d’Islande, de Suisse, de Finlande, des Pays-Bas, de Norvège, d’Autriche et même des États-Unis. Cette vaste participation est exceptionnelle, car des obédiences nationales de tradition maçonnique parfois très distantes se sont réunies grâce au sentiment commun de gérer et promouvoir la mémoire de la vraie réalité maçonnique. En effet, selon son acte de constitution, ladite association a pour objet principal « d’assister et de promouvoir la gestion, la sauvegarde et la promotion de l’héritage maçonnique par l’éducation, la facilitation de la communication, la coordination des efforts et tout autre moyen possible ».

Le cas de la Belgique est donc assez représentatif du fait que de nos jours les franc-maçonneries européennes, et non seulement elles, sont en train de se « dévoiler » tant aux experts maçons et profanes qu’au grand public, par le biais de la mise à disposition de leurs patrimoines artistiques, documentaires et historiques. Elles offrent là, chose inédite, l’accès aux sources maçonniques originales, permettant ainsi un apprentissage plus fidèle d’une réalité historique qui a participé, ô combien, de notre époque contemporaine.

 

Nicoletta Casano (ULB et Università degli Studi della Tuscia, Viterbo).

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