vendredi 17 février 2023

Vers de nouveaux manuels de religion islamique en Flandre

À partir de l'année scolaire prochaine, les professeurs enseignant la religion islamique de première et troisième année de l'enseignement secondaire flamand pourront utiliser une nouvelle méthode d'enseignement, Sïra. Les années suivantes, d’autres manuels suivront pour les deuxième et quatrième années de l'enseignement secondaire.

Il n'est pas surprenant que, plus de 45 ans après l'organisation des premiers cours de religion islamique dans l'enseignement officiel, de nouveaux matériels pédagogiques soient développés. Les manuels et cahiers d'exercices actuellement utilisés dans la plupart des écoles flamandes sont les manuels Noer, publiés par la Diyanet (le "présidium" turc des affaires religieuses). Ces manuels, qui ont vu le jour en 2011, sont datés, conservateurs et peu adaptés au contexte belge.

En outre, le nombre d'élèves suivant la religion islamique dans les écoles flamandes a fortement augmenté au cours des dernières décennies : en 2011-12, 15 277 élèves (soit 4,1 %) suivaient la religion islamique dans les écoles secondaires, tandis que 22 764 élèves (6,5 %) suivaient des cours de religion islamique dans les écoles primaires. Dix ans plus tard, avec 32 493 élèves (7,2 %) dans les écoles secondaires et 43 088 élèves (9,8 %) dans les écoles primaires, ce nombre a considérablement augmenté. Par conséquent, la publication de nouveaux matériels pédagogiques est non seulement pertinente sur le plan social, mais aussi intéressante sur le plan économique.

Cependant, l'élaboration de manuels sur la religion islamique est également une entreprise délicate. En effet, les auteurs actuels (tous trois professeurs de religion islamique dans différents établissements d’enseignement supérieur flamands) doivent trouver un équilibre entre le contexte, l'expertise et les attentes des enseignants d'une part, et le contexte, les intérêts et les attentes des élèves (et/ou de leurs parents) d'autre part. Tant pour les enseignants que pour les élèves, ces questions peuvent être variées.

Les élèves et les enseignants ne sont pas seulement diversifiés sur le plan ethnoculturel, mais leur perception de « l'islam » adéquat peut également varier fortement : alors que certains enseignants et élèves sont fortement sécularisés et, par analogie avec les chrétiens culturels, peuvent être décrits comme des « musulmans culturels », d'autres s'accrochent fortement à leur foi (traditionnelle). À cela s'ajoute le fait que les méthodes d'enseignement actuelles doivent tenir compte du programme de religion islamique existant, ce qui n'est pas toujours évident non plus. En effet, ces programmes, qui ont été introduits en 2012-13 (ceci pour remplacer les programmes de 2001) et sont basés, entre autres, sur un programme turc, sont comme les manuels et cahiers d’exercice Noer datés et ont besoin d'être renouvelés.

Compte tenu de cette complexité, l'éditeur a constitué un groupe de réflexion scientifique. Ce groupe, composé de membres aux compétences et aux horizons convictionnels divers, examine le matériel pédagogique proposé et donne des conseils aux auteurs. Le résultat, qui est principalement dû aux efforts et à la bonne volonté des auteurs, est une méthode d'enseignement sensiblement différente de ce que Noer avait à offrir.

Ainsi, le manuel de première année aborde entre autres la genèse de l'islam, la vie du prophète Mahomet, la croyance aux anges, la pratique du jeûne et de la prière, la mosquée (du point de vue architectural) ou le libre arbitre. Contrairement à la méthode Noer, les sujets abordés sont vus à travers un prisme historico-critique et l’attention est portée à la diversité convictionnelle – non seulement en dehors, mais aussi au sein de l'islam. En outre, à travers des thèmes tels que les médias sociaux, le climat et la nature, ou les addictions, un lien explicite est recherché avec le cadre de vie des élèves, ce qui était pratiquement absent dans les manuels et cahiers précédents.

Si l'on compare la nouvelle méthode d'enseignement avec l'ancienne, on ne peut que constater que d'énormes progrès ont été réalisés. Pendant des décennies, la Flandre a dû se contenter de professeurs de religion islamique qui n'avaient pas l'expertise et/ou les diplômes requis, et le matériel pédagogique disponible était insuffisamment adapté au contexte belge/flamand actuel. Ajoutez à cela un programme scolaire dépassé et vous obtenez un cocktail idéal pour un enseignement de qualité inférieure à la norme exigée.

Au cours des dernières décennies, cela a conduit à la création de programmes de formation des enseignants de religion islamique en Flandre (il existe actuellement cinq hautes écoles où l'on peut suivre une mineure en religion islamique) et à leur formation continue. Avec la nouvelle méthode d'enseignement, la question du manque de matériel d'étude solide est désormais également rencontrée. La prochaine étape du processus pourrait être une mise à jour du programme d'étude actuel. Il appartient au « Centrum voor Islamonderwijs », responsable de la matière scolaire « religion islamique » en Flandre, de prendre les mesures nécessaires à cette fin.

La nouvelle méthode d'enseignement pourrait améliorer considérablement la qualité de l'enseignement de l'islam, qui en Flandre est dispensé deux heures par semaine dans les écoles officielles. Par rapport à la Communauté française, qui doit se contenter d'encore moins en termes de formation, de programmes et de méthodes pédagogiques, la Flandre fait actuellement mieux. Lorsque des cours de religion sont proposés dans l'enseignement classique, il est en effet préférable de veiller à ce qu'ils répondent aux critères de qualité nécessaires.

Cela soulève la question de savoir si ce type d'enseignement de la religion, subventionné par les pouvoirs publics mais organisé par les cultes reconnus, a sa place dans les écoles officielles. À cet égard, la Communauté française semble vouloir suivre une voie différente de celle de la Communauté flamande. En vertu de la Constitution, les écoles officielles des deux côtés de la frontière linguistique sont tenues d'offrir un enseignement relatif aux religions et convictions reconnus (art. 24, §1 de la Constitution belge), mais la Constitution ne se prononce pas sur la question de savoir comment cela doit se faire concrètement.

Ainsi, en 2016-17, le nombre d'heures de cours de religion et de morale dans les écoles officielles francophones a été réduit de deux périodes à une période de cours par semaine, et les élèves suivent désormais un Cours de Philosophie et de Citoyenneté (CPC) durant l'heure libérée. Sur la base d'une note d'orientation et à la demande du Gouvernement francophone, l’on y étudie actuellement la possibilité (constitutionnellement valide) d'offrir également deux heures de CPC pour tous dans les écoles officielles et d'y rendre les cours de religion et de morale facultatifs – à la demande des parents ou des élèves.

En Flandre aussi, l’on discute depuis un certain temps de la création d'une matière quelque peu comparable. À cette fin on pourrait, comme c'est actuellement le cas en Communauté française, y réduire le nombre d'heures d'enseignement de religion et de morale non confessionnelle de deux à une ou, conformément à la proposition sur la table en Belgique francophone, y offrir les matières convictionnelles actuelles sur une base facultative. Dans le(s) temps d'enseignement libéré(s), il serait alors possible de faire place à une nouvelle matière, organisée par le gouvernement, sur les philosophies de vie, l'éthique, la philosophie et la citoyenneté.

Contrairement à la Communauté française cependant, les choses avancent peu en Flandre. Bien que de plus en plus de parents et d'élèves soient sécularisés, que les élèves flamands obtiennent des résultats inférieurs à la moyenne en matière d'éducation à la citoyenneté et à la connaissance des faits religieux, et que la grande majorité n'entre pas en contact avec la philosophie, il semble qu'il y ait peu de volonté politique en Flandre, de toucher à l'organisation des matières dites philosophiques, même dans le respect de la Constitution. À cet égard, la Flandre pourrait bien regarder au-delà de la frontière linguistique.

De son côté, la Belgique francophone peut se tourner vers la Flandre en matière d'enseignement de la religion islamique. Car même si cet enseignement ne sera proposé qu'en option à l'avenir, il doit être dispensé de la meilleure façon possible. Pour ce faire, une bonne formation des enseignants, des programmes d'enseignement actualisés et du matériel pédagogique approprié sont à cet égard indispensables.

Leni Franken (Universiteit Antwerpen).

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