mercredi 18 avril 2012

Le déclin de la pratique religieuse en Belgique

La Belgique est un pays de tradition catholique. Lors de sa constitution, plus de 99 % de sa population s’identifiaient comme tels. Depuis, cette proportion a fortement diminué, sous la double influence de la sécularisation et de l’immigration. La baisse s’est accélérée ces quarante dernières années. Sur base des derniers chiffres livrés par l’enquête décennale réalisée par une équipe de la Katholieke Universiteit Leuven (KUL) et de l’Université catholique de Louvain (UCL) dans le cadre de la European Values Study, seuls 50 % des Belges se déclaraient encore catholiques en 2009. Cette estimation est probablement la plus fiable dont nous disposions (la Belgique n’organise pas de recensement des convictions religieuses) ; elle concerne une déclaration d’affiliation, qui ne donne pas de renseignements sur le degré d’adhésion à la religion catholique (dogmes et morale) ni sur la pratique religieuse. Mais en cette dernière matière, nous disposons de statistiques globalement fiables fournies par les autorités ecclésiastiques. Elles livrent des pourcentages de pratique très inférieurs à 50 %, et dont la baisse a tendance à s’accélérer.

Moins de 5 % de la population âgée de 5 à 69 ans se rend encore à la messe du dimanche (ou du samedi précédent) ; seul un mariage civil sur quatre est désormais suivi d’une cérémonie religieuse catholique ; un peu plus d’un nouveau-né sur deux est baptisé.

La baisse de la pratique religieuse s’est accélérée ces deux dernières décennies, ainsi que le révèle le tableau ci-dessous, qui présente l’évolution de la pratique religieuse catholique, entre 1977 et 2007 ou 2009 selon les cas. Quatre paramètres sont considérés : la pratique dominicale représente le pourcentage de la population âgée de 5 à 69 ans qui se rend à la messe le dimanche (ou la veille, le samedi). Les mariages indiquent le pourcentage de mariages civils qui sont suivis d’un mariage religieux catholique. Les baptêmes reprennent le pourcentage d’enfants baptisés par rapport au total des naissances vivantes enregistrées. Les funérailles indiquent le pourcentage de cérémonies religieuses catholiques par rapport au nombre total de décès. Soulignons que pour l’ensemble de ces statistiques, il s’agit de mesures rapportées à l’ensemble de la population, et non à la partie qui se déclare catholique.

Pratique religieuse catholique en 1977, 1996 , 2007 et 2009

(pourcentages par rapport à la population totale)

 

 

Belgique

Flandre

Wallonie

Bruxelles

Pratique dominicale

1977

29,4

35,1

24,2

14,1

1996

13,1

15,2

11,2

7,4

 

2007 (1)

8,5

10,1

6,2

4,7

 

2009

4,97

5,38

4,20

3,43

Mariages

1977

77,7

84,0

74,9

46,9

1996

50,2

52,2

53,7

23,7

2007

25,6

28,0

28,4

7,2

Baptêmes

1977

85,2

90,6

88,3

49,7

1996

68,1

76,2

67,9

27,5

2007

54,6

65,1

51,8

14,8

Funérailles

1977

83,7

90,8

79,5

65,9

1996

77,7

85,0

74,3

50,0

2007

58,4

68,0

51,2

22,6

Sources : pour les données 1977 et 1996, statistiques de la conférence épiscopale ; pour les données 2007, Sarah Botterman, Marc Hooghe, Religieuze praktijk in België 2007. Een statistische analyse. Rapport ten behoeve van de Belgische Bisschoppenconferentie, 2009 ; pour les données 2009, Nele Havermans et Marc Hooghe, Kerkpraktijk in België : Resultaten van de zondagstelling in oktober 2009. Rapport ten behoeve van de Belgische Bisschoppenconferentie, 2011.

(1) Assistance à Noël.

De 1977 à 1996, le pourcentage de nouveau-nés baptisés est passé de 85,2 % à 68,1 %, soit une baisse relative de près de 20 % sur 20 ans ; en 2007, le nombre de nouveaux-nés baptisés n’était plus que de 54,6 %, soit une baisse relative de 20 % également, mais sur une période de 11 ans et non plus de 19 ans. Au niveau des mariages, plus de trois mariages civils sur quatre étaient suivis d’une cérémonie catholique en 1977 ; en 1996, la proportion n’était plus que de un sur deux ; en 2007, ils n’étaient plus que un sur quatre. Le pourcentage de funérailles catholiques est celui qui demeure le plus élevé, avec une moyenne de 58,4 cérémonies religieuses catholiques pour 100 décès. Cependant, ce taux est celui qui a le plus diminué dans la période récente. Alors que de 1977 à 1996 il n’avait diminué, en valeur relative, que de 7 %, ces onze dernières années il a diminué de 25 %. Quant à la pratique dominicale, elle est passée de 29,4 % à 13,1 % de la population entre 1977 et 1996, soit une baisse relative de 55 % en l’espace de deux décennies. En 2009, le taux de pratique dominicale a été mesuré à 4,97 % de la population, soit une baisse relative de 62 % par rapport à 1996.

La baisse de la fréquentation de la messe dominicale est beaucoup plus importante que celle du nombre de baptêmes, mariages et funérailles : le taux de pratiquants réguliers a baissé davantage que le taux de pratiquants occasionnels. Relevons encore que le nombre de fidèles présents à une messe de Noël, comptabilisés en 2007 à 8,5 %, représente 70 % de fidèles en plus, en valeur relative, qu’un dimanche ordinaire. Ce taux est par ailleurs environ six fois moindre que le taux de baptêmes à la même date : on voit se dessiner une pratique religieuse à intensité variable.

Les données ventilées entre les trois Régions du pays révèlent des disparités : la Flandre demeure la région la plus catholique du pays, à l’inverse de Bruxelles où le taux de catholiques pratiquants est le plus bas. Rappelons que ces taux sont mesurés par rapport à l’ensemble de la population : les taux bruxellois reflètent sans doute davantage la présence d’une importante population d’une religion autre que catholique qu’un taux de non-pratiquants ou de non-croyants plus élevé chez la population d’origine catholique. Notons que l’examen des données disponibles au niveau communal révèle des taux de pratique dans les grandes villes globalement inférieurs à la moyenne nationale.

L’évolution des statistiques relatives à la pratique religieuse catholique dans notre pays illustre l’accélération de la sécularisation, un phénomène parfois remis en cause, à tort, en ce début de XXIème siècle. Leur examen, combiné avec celui des résultats des enquêtes relatives aux convictions, contribue à dessiner un paysage religieux où croyance et pratique ne vont plus de pair, et où la pratique est de moins en moins intense. Le tout renvoie à l’individualisation des comportements que l’on observe de plus en plus en matière convictionnelle. Incidemment, le constat de cette évolution contribue à la remise en cause du système de financement public des cultes, où 85 % des dépenses sont en faveur de l’Église catholique, mais il indique également que l’adoption d’un système d’impôt philosophiquement dédié, où la répartition des moyens serait fonction d’une déclaration de sa conviction par le citoyen, ne serait peut-être pas plus équitable.

Caroline Sägesser (ULB).

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