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mardi 14 février 2012

Vers une réforme du financement public des organisations convictionnelles en Belgique ?

Le régime belge des cultes comprend, depuis ses origines (1830-31), un financement public des cultes dits reconnus. Celui-ci a été étendu aux organisations philosophiques non confession-nelles reconnues en 1993. La réforme du système est à l’ordre du jour depuis une quinzaine d’années.

Depuis la fin des années 1990, plusieurs études ont mis en lumière les problèmes essentiels du financement public des organisations convictionnelles : l’automaticité du financement, le manque de transparence et de contrôle, les inégalités entre les différentes convictions et, en particulier, l’importance disproportionnée du montant attribué à l’Église catholique. Le débat s’est cristallisé autour de la réforme des modalités du financement, bien davantage qu’autour de son hypothétique suppression ; à cet égard, l’accès au financement de la communauté philosophique non confessionnelle (la laïcité organisée) a légitimé son maintien.

La régionalisation de la législation concernant les fabriques d’églises (et établissements assimilés) au 1er janvier 2002 a confié aux Régions (et à la Communauté germanophone) le soin de la réformer éventuellement. Jusqu’à présent, les nouveaux dispositifs législatifs adoptés n’ont pas modifié en profondeur les mécanismes de financement.

Au niveau fédéral, le gouvernement a entamé en 2005 un processus de réflexion à propos des compétences demeurées siennes, à savoir principalement la reconnaissance des organisations convictionnelles (cultes et philosophies non confessionnelles) et le financement des traitements et pensions des ministres des cultes. Sous le deuxième gouvernement Verhofstadt (2003-2007), la ministre Laurette Onkelinx a mis sur pied une commission chargée d’examiner le statut des ministres des cultes reconnus et de formuler des propositions de réforme. Dans son rapport de novembre 2006, cette commission dite Commission des Sages a dressé un inventaire complet des inégalités rencontrées dans le régime des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles, et formulé différentes propositions de réforme, mutuellement exclusives, allant jusqu’à envisager le passage à un financement par enveloppes, sur la base de critères objectifs qui restaient à déterminer.

Pour dégager une piste de réforme plus concrète, le successeur de Laurette Onkelinx au sein du gouvernement Leterme I (2008), Jo Vandeurzen, a constitué un groupe de travail. Son rapport, déposé en octobre 2010, comprend un avant-projet de loi dessinant une réforme importante de l’ensemble de la législation sur le temporel des cultes de compétence fédérale. La nouvelle législation proposée prévoit un système à deux étages, d’enregistrement puis de reconnaissance des organisations convictionnelles qui répondent à une série de critères. La reconnaissance ouvre l’accès au financement public, c’est-à-dire, au niveau fédéral, au paiement des traitements d’un certain nombre de ministres ou de délégués. Le groupe de travail préconise l’unification des traitements pour toutes les organisations convictionnelles. Quant à la répartition des budgets entre les différentes organisations convictionnelles, le groupe de travail propose l’organisation périodique d’une vaste enquête scientifique dirigée par un comité de pilotage pluraliste, destinée à photographier le paysage des convictions et des pratiques de la population. Le cadre de chaque organisation convictionnelle serait appelé à évoluer en fonction des résultats de l’enquête.

La commission de la Justice de la Chambre a examiné le rapport du groupe de travail en février et en mars 2011, dans un double contexte de crise : crise politique, le gouvernement Leterme II étant en affaires courantes depuis près d’un an, et crise au sein de l’Église catholique, marquée par le scandale de la pédophilie au sein du clergé. Ce scandale, qui a débouché sur la constitution d’une commission spéciale parlementaire pour traiter de ce sujet, a relancé le débat politique, à la fois sur l’opportunité du maintien du financement public des organisations convictionnelles, et sur la part dévolue à l’Église catholique. Dans la foulée, plusieurs propositions de loi émanant de parlementaires libéraux, écologistes et socialistes néerlandophones ont été déposées au Sénat et à la Chambre, pour substituer au système actuel une forme d’impôt philosophiquement dédié ou de répartition sur base des résultats d’une enquête. Dans son avis du 26 avril 2011 sur l’une d’entre elles, le Conseil d’État a estimé difficile de concilier un tel mécanisme avec les règles actuelles d’application de l’article 181 de la Constitution.

Les rapports de la Commission des Sages (2006) et du Groupe de travail chargé de la réforme de la législation sur les cultes et les organisations philosophiques non confessionnelles (2010) sont téléchargeables sur le site du SPF Justice, rubrique « cultes ».

Caroline Sägesser (ULB).

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