"Vendredi à Utrecht la Fédération humaniste européenne a porté à sa tête le président du Centre d’Action laïque Pierre Galand pour un mandat de trois ans" — Un gardien belge pour l’Europe laïque (Christian Laporte, La Libre Belgique)
"Comment se fera le report des voix entre l’islamiste et l’homme du tyran? Le premier tour des élections présidentielles en Egypte pose nombre de questions" — Egypte: le casse-tête du second tour (Jacques Goditiabois-Deacon, La Libre Belgique)
"La tombe d'un criminel italien enterré dans une église romaine et soupçonné d'avoir été impliqué dans l'enlèvement et la disparition en 1983 de la fille d'un employé du Vatican, un cas qui a ému à l'époque toute l'Italie, a été ouverte lundi, ont rapporté les médias italiens" — Italie : liaisons dangereuses entre la mafia et le Vatican (AFP, Le Point)
"Dans ce cahier de l'Institut Religioscope, fruit de recherches de terrain et d'une quarantaine d'entretiens avec des Algériens convertis au chiisme, Abdelhafidh Ghersallah apporte une information documentée sur l'émergence d'une nouvelle communauté religieuse en Algérie" — Etude: le chiisme en Algérie – de la conversion politique à la naissance d’une communauté religieuse (Religioscope)
"Vaincus dans les urnes, les partis islamistes «modérés» menacent de contester le pouvoir dans la rue" — Les «barbus» algériens piégés par les législatives (Thierry Portes, Le Figaro)
Une nouvelle décision du pape Benoît XVI vient de mettre en stand-by la reconnaissance officielle du Chemin néocatéchuménal, le mouvement fondé par Kiko Argüello et Carmen Hernandez dans les années 60. Il y a à peine quelques mois, le 20 janvier 2012, le Vatican avait validé les célébrations non liturgiques du Chemin, c’est-à-dire celles contenues dans le « directoire catéchétique du chemin néocatéchuménal » et qui comprennent l’intégralité du parcours de redécouverte du baptême proposé par le mouvement à ses communautés. C’est pourquoi personne (et surtout les adeptes du Chemin) ne s’attendait à une manœuvre d’arrêt de ce genre, tellement imprévisible : l’ouverture d’une enquête spéciale de la part de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pour examiner la conformité des messes du Chemin à la doctrine et à la pratique catholique.
"Plusieurs centaines de musulmans ont incendié l’église d’un centre protestant à Khartoum, le 21 avril 2012, scandant des paroles anti-sudistes, rapportent des témoins oculaires dans la presse locale et internationale" — Soudan: Un centre protestant attaqué par des musulmans (Apic/mvl, Catho.be)
"L’ancien « plombier du Watergate » Charles Colson est mort samedi 21 avril à l’âge de 80 ans des suites d’une hémorragie cérébrale a annoncé la Prison Fellowship , l’organisme d’assistance aux détenus qu’il avait fondé et dont il avait fait une des principales organisations évangéliques américaines" — Mort de Charles Colson, figure du protestantisme évangélique (La Croix)
"La révérende Amy Richter est dans le doute. Cette prêtresse de l'Eglise anglicane américaine, qui officie à la paroisse Sainte Anne d'Annapolis, dans l'Etat du Maryland, ne sait que faire du bikini rouge pompier qui lui est arrivé par la poste. Elle a commandé l'objet piqueté de strass pour participer à un concours de bodybuilding" — Dieu bénisse l'Amérique – Comment porter le bikini lorsqu’on est prêtre ? (Blog Big Browser, Le Monde)
Lorsque les Juifs sont plongés, comme l’ensemble de l’Orient, dans la civilisation grecque qu’exporte la conquête d’Alexandre le Grand (qui règne entre 336 et 323 avant J.-C.), ils se retrouvent confrontés à des valeurs fort différentes des leurs : les Grecs vivent dans un monde qui existe de toute éternité, dont les dieux multiples (polythéisme) ne sont que des figures, où l’homme a pour vocation supérieure la raison (logos), la connaissance objective du monde et de sa place dans le monde, dont l’histoire est fondamentalement cyclique (répétitive). Si la Bible vit de la question : « Qui es-tu ? », le monde grec ne cesse de demander « qu’est-ce que… ? ». Cette civilisation dite « hellénistique », que l’impérialisme romain adopte sans complexes, est de fait « multiculturelle », universaliste, sceptique et mystique à la fois. Elle s’étend de la Grèce à l’Inde et englobe de vieux pays de civilisation comme l’Égypte, la Syrie ou l’Iran. Ses réalisations artistiques, culturelles, urbanistiques, son raffinement intellectuel sont admirés de tous.
Toutes les vieilles cultures du Proche-Orient en sont marquées en profondeur. Les Juifs aussi, et sans réaction immédiate de rejet, loin de là. Il faudra une assez incompréhensible persécution du judaïsme par Antiochus IV Épiphane pour que se réveille, dans l’insurrection des Maccabées en 165 avant J.-C., le sentiment national. Renaît alors au terme d’une guerre de libération un État juif qui, après un siècle d’indépendance, finit par être « protégé » par les Romains et perdre toute autonomie politique. Par ailleurs, de très nombreux Juifs vivent hors de la Terre sainte, en « diaspora » (dispersion). Ils occupent par exemple tout un quartier d’Alexandrie (Égypte). Ce sont des commerçants actifs, de mœurs rigoureuses. Leur religion répugne à certains et en attire d’autres. La rigueur de leur morale, leur monothéisme sans concession parlent aux païens que travaillent de longue date des aspirations philosophiques. À l’inverse, des pratiques telles que la circoncision, ou encore les interdits alimentaires – qui leur rendent impossible la commensalité constitutive de la socialité antique – suscitent incompréhension et rejet, et permet à certains, à l’époque romaine, de les présenter comme des « ennemis du genre humain ».
Le monde non juif va donc basculer entre une sympathie parfois profonde et une répulsion tout aussi certaine – notamment dans les milieux lettrés – pour ces orientaux exotiques, ces « barbares » (au sens grec du mot : ceux qui ne parlent pas grec), qui n’exclut pas l’admiration éventuelle pour leur culture. Parfois de graves rixes éclatent, pour des raisons essentiellement politiques ou de rivalité commerciale. Il est bien difficile de déterminer dans quelle mesure il convient dans tout cela de parler d’antisémitisme au sens que l’on a dit en commençant. De fait, si le monde hellénistique n’a pas été antisémite, si certains Grecs disent même leur admiration pour « la sagesse de Moïse », d’autres l’ont été, comme le fameux Apion, conservateur de la bibliothèque d’Alexandrie, qui invente la légende odieuse du « meurtre rituel » d’un Grec dans le temple de Jérusalem à l’occasion des fêtes juives…
Dans son pragmatisme, Rome, avec Jules César (1er siècle avant J.-C.), reconnaîtra légalement le judaïsme comme religio licita, en voyant dans la Thora la « loi nationale » des Juifs, ce qui mettra ces derniers à l’abri de certaines exactions que l’animosité et l’incompréhension de l’opinion publique auraient volontiers tolérées. La société gréco-romaine est multiethnique, elle ne connaît pas de religion unifiée dotée d’un credo déterminé et contraignant. Si ses peuples peuvent y être allergiques l’un à l’autre, elle est fondamentalement ouverte. Ce qui explique que, dans son ensemble, elle ne connaîtra rien de comparable à la haine antijuive globale, et proprement « radicale », qui va caractériser l’Occident chrétien.
Jacques Déom (ULB).
Jésus de Nazareth, figure centrale de la religion chrétienne, est juif. Ses disciples sont juifs. Les premiers chrétiens sont juifs. C’est dans les communautés juives de la province romaine de Palestine ainsi que de diaspora que se fera en premier lieu l’annonce de l’Évangile. Le contenu même de la « Bonne Nouvelle » (c’est le sens du mot « Evangile » en grec) est incompréhensible en dehors de la tradition juive. Jésus est le Messie (en grec « Christ »), « Fils » unique du Dieu d’amour, proche de Lui au point de ne faire qu’un avec Lui, qui appelle à reconnaître, dans un mouvement de « conversion », la venue du « Royaume de Dieu », fait de paix et de fraternité humaine. Pour les croyants, il accomplit les promesses bibliques et inaugure une Nouvelle Alliance (c’est le sens des mots « Nouveau Testament »).
Jésus ne sera suivi que par une poignée de Juifs et finira exécuté comme un esclave (crucifié) par les Romains vers l’an 30. La raison invoquée est au fond politique : c’est la crainte, tant du côté juif que du côté romain, de voir ce Messie tourner au chef nationaliste, avec les catastrophes que ce type d’aventure risque de provoquer…
Dans l’âpre polémique à laquelle la lecture des textes du Nouveau Testament donnera lieu, dans un milieu sociologiquement de plus en plus étranger au judaïsme, « les Juifs » seront vite présentés comme coupables d’avoir, dans leur aveuglement et leur mauvaise foi, en même temps refusé de reconnaître l’« accomplissement des prophéties » et d’avoir « tué Dieu ». Car s’il est homme, le Messie des chrétiens est aussi Fils de Dieu et Dieu lui-même, divinisation que jamais les Juifs n’ont songé à accorder à leurs prophètes, même le plus grand : Moïse.
L’accusation de « déicide » portée contre les Juifs est la principale racine de l’antisémitisme pendant deux millénaires. Elle se renforce de l’accusation de « pharisaïsme », qui mêle les griefs de ritualisme pétrifié et d’hypocrisie, cuirassant « les Juifs » contre le message d’amour qu’ils avaient pourtant vocation à entendre et à diffuser. Que le « Fils de Dieu » soit ressuscité des morts et que ses fidèles attendent son retour pour la Fin des Temps (Parousie) inaugure le temps de l’Église, qui se comprend elle-même comme le « véritable Israël » (Verus Israel), l’« Israël selon l’Esprit » (« théologie de la substitution »).
De fait, les chrétiens vont très vite se recruter pour la plupart parmi les païens. C’est essentiellement la personnalité de Paul de Tarse (saint Paul, actif dans les années 40-50 après-J.-C.) qui symbolise cette ouverture du groupe chrétien au-delà du monde juif, avec une conséquence fondamentale : il renoncera en fin de compte au plus gros des exigences de l’« orthopraxie » (voir plus haut) et, au nom de la « foi », libérera les chrétiens de ce que le judaïsme tient pour essentiel. La rupture deviendra vite évidente. Elle est consommée quand l’Empire romain, au lendemain de la conversion de l’empereur Constantin, assure au christianisme la liberté de culte (Édit de Milan, 313) et le favorise au détriment du paganisme. À la fin du IVe siècle, sous l’empereur Théodose, il est devenu la religion officielle de l’État.
L’accusation de déicide et la prétention de l’Eglise à incarner le véritable Israël placent désormais les Juifs et le judaïsme dans une position radicalement inconfortable. Ils sont à la racine d’une religion qui ne peut ni ne veut oublier qu’elle est née d’eux, mais qui les accable des accusations les plus écrasantes.
Cette querelle d’identité du christianisme, la faille intime qu’implique pour lui le fait que les Juifs refusent obstinément au cours des siècles de le reconnaître pour leur propre vérité, rend compte de la haine du monde chrétien à leur égard. Plutôt que d’antisémitisme, il convient donc de parler ici d’« antijudaïsme ». Cette haine découle du refus opiniâtre par la religion-mère de reconnaître la religion à prétentions universelles qui est née d’elle. Elle a une limite logique contraignante : l’insupportable cesserait, aux yeux des chrétiens, si les Juifs se convertissaient. Dans ce contexte, les expulser ou les tuer n’a pas de sens : il s’impose de les convaincre, c’est-à-dire de les amener au baptême…
La distanciation qui s’opère entre le jeune christianisme et son milieu juif d’origine entraîne en peu de temps une ignorance de ce dernier chez les adeptes du Christ. Jusqu’au triomphe de l’historicisme au XIXe siècle, le judaïsme sera, de manière dominante, vu au prisme d’un pharisaïsme ergoteur, hypocrite, asservi à « la lettre » aux dépens de « l’esprit » et sclérosé par essence et par choix. Figée pour des siècles dans les termes de la polémique néotestamentaire, cette image devenue canonique découragera tout souci de s’enquérir de ce que le pathos de la Loi, source vivante de la pensée juive, qui est à la racine de la controverse, a nourri de créativité chez les « Sages » juifs, héritiers des pharisiens, au lendemain de la rupture et en dépit des vicissitudes historiques que connaît le judaïsme. Pareille négation de l’aventure spirituelle propre du monde juif déréalise celui-ci en l’arrachant à son devenir et le condamne à tenir à son corps défendant, sur le théâtre de l’histoire chrétienne, un rôle de fossile, inintelligible et obstiné.
Jacques Déom (ULB).
Aussi longtemps que le monde occidental restera de manière exclusive dominé par les valeurs et l’imaginaire chrétiens, les déchirements qu’on vient de dire resteront la source de la discrimination haineuse, voire de la démonisation des Juifs.
Celle-ci se traduit concrètement de diverses manières. Phénomène mystico-politique, les Croisades, qui visent à partir de la fin du XIe siècle à « libérer des mains des païens [les musulmans] le tombeau du Christ » par la voie militaire, sont l’occasion de pogroms qui déciment les communautés juives (par exemple 800 morts à Worms, 700 à Mayence, plusieurs milliers de morts à Prague en 1096, dans le cadre de la Première Croisade ; plus de 120 communautés juives disparaissent dans le Midi de la France lors de la « Croisade des Pastoureaux » en 1320). L’argument des tueurs : nous allons combattre les « ennemis de Dieu » (musulmans) en Terre sainte ; or nous en avons de bien pires sous la main, les Juifs. Tant pour des raisons d’ordre public que pour celles d’ordre idéologique décrites ci-dessus et d’ordre économique sur lesquelles nous reviendrons, les autorités religieuses, le plus souvent, condamnent et s’opposent, abritent à l’occasion des Juifs. Le peuple, lui, ne veut rien entendre.
D’autant plus que les clercs, paradoxalement, l’abreuvent de légendes calomnieuses. La pire : l’accusation de « meurtre rituel ». Les Juifs crucifieraient des enfants chrétiens ou les tueraient pour obtenir leur sang, nécessaire à la célébration de leurs fêtes religieuses. Ces rumeurs entraînent des réactions populaires violentes : par exemple, en 1171, les 38 Juifs de Blois sont condamnés au bûcher ; en 1191, une centaine de Juifs est exterminée à Bray-sur-Seine ; 34 Juifs sont égorgés à Fulda en 1235. Là encore, des autorités – tant civiles que religieuses – font souvent valoir le caractère délirant des accusations et l’absence totale de preuves. N’empêche. À la fin du XIXe siècle, les antisémites professionnels avaient établi une liste de 154 cas « attestés » d’assassinats pour raisons religieuses…
On accuse également les Juifs de profaner les hosties (à Bruxelles, en 1370, la communauté juive est anéantie suite à une accusation de ce type – comme en témoigne la chapelle du Sacrement du Miracle à la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule), d’empoisonner les puits (de connivence avec les lépreux), de mettre en place un plan universel de destruction des chrétiens (voir plus loin). La Peste noire (1347-1349) extermine un tiers de la population européenne : on en rend les Juifs coupables (2.000 d’entre eux sont brûlés à Strasbourg en 1348). C’est un cas manifeste où les Juifs servent de « boucs émissaires » : on les charge d’un mal qu’on ne peut s’expliquer pour les expulser ou s’en défaire et en « purifier » le groupe dominant.
On n’envoie d’ailleurs pas que des hommes au bûcher. En 1242, à Paris, au terme d’une « disputation » orageuse entre prêtres et rabbins, on brûle, avec l’accord de Louis IX, roi de France et futur saint Louis, vingt-quatre charrettes chargées de volumes du Talmud, accusé de contenir des attaques contre la foi chrétienne. On délire sur le Juif comme sur les sorcières : il porterait des cornes, dégagerait une odeur pestilentielle et dissimulerait soigneusement ses pieds fourchus... Les médecins juifs, très nombreux (et par ailleurs appréciés pour leur savoir…) sont fréquemment accusés de collusion avec le Diable.
La haine la plus radicale ira jusqu’à suspecter un Juif, même converti, de rester d’abord un Juif : si, en bonne théologie, le baptême est une nouvelle naissance, la haine suspecte la pérennité du caractère juif et glisse rapidement vers une interprétation quasi raciale de la judéité qui préfigure les obsessions de la modernité. Ainsi, dans l’Espagne qui achève de se libérer de l’emprise musulmane (après 1492), on impose aux Juifs (et aux musulmans) de se convertir ou de quitter le territoire. Unifications politique et linguistique vont de pair avec l’unification religieuse.
Une logique se met en place, qui prévaudra en Europe jusqu’à l’ère des Révolutions : le sujet est tenu d’adhérer à la religion de son roi (« Cuius regio, illius religio »). Mais, en Espagne et dans son empire outre-Atlantique, les convertis restent suspects de « marranisme » (de rester secrètement Juifs, donc d’hypocrisie religieuse) et l’on impose aux candidats à diverses fonctions publiques de faire la preuve de leur limpieza de sangre (pureté de sang). On notera ici que l’Inquisition (tribunal ecclésiastique créé au XIIIe siècle pour lutter contre les Cathares et chargé de veiller au respect de l’orthodoxie catholique) n’a jamais poursuivi les Juifs comme tels, ce qui aurait été un non-sens, mais seulement – et avec quelle fermeté ! – ceux d’entre eux qui, précisément, étant publiquement convertis, étaient suspectés de pratiquer en secret leur foi ancestrale.
Au XVIe siècle, la Réforme a vis-à-vis des Juifs une attitude ambiguë. En révolte contre l’Église catholique en tant qu’institution médiatrice du salut, les Protestants privilégient la lecture directe de la Bible dans une relation personnelle à Dieu et, du coup, comprennent mieux les Juifs. Mais l’attitude de Martin Luther est caractéristique du malaise persistant. Il commence, en 1523, par dénoncer l’ignominie des « papistes », qui ont méprisé « les cousins et les frères de Notre-Seigneur » et prône l’« amour chrétien » à leur égard. En 1542, n’ayant pas réussi à les convertir, il les agonit d’injures dans les termes les plus orduriers. La Contre-Réforme catholique, menée par le Concile de Trente (entre 1545 et 1563), ne fera rien pour sa part en vue d’améliorer chez les fidèles de l’Église romaine l’image des Juifs.
Outre ces données idéologiques, il faut rappeler la ségrégation économique que connaissent les Juifs. Commerçants habiles, parlant des langues que les chrétiens ignorent, entretenant des relations internationales, les Juifs suscitent l’envie. On se sert d’eux en les haïssant. Le droit de l’Église (comme celui de l’islam d’ailleurs) interdit le prêt à intérêt aux chrétiens : les Juifs se spécialisent donc par nécessité dans le commerce de l’argent et fournissent les crédits dont l’économie a besoin. Quitte à ce que des débiteurs n’hésitent pas à user de violence (confiscation et expulsion) pour ne pas s’acquitter de leur dette… C’est notamment le cas des rois, au point qu’on a pu dire que l’art de pressurer les Juifs était devenu une institution, en tout cas une ressource régulière de la royauté.
Les Juifs ne peuvent par ailleurs posséder des terres. Ils ont donc tendance à se spécialiser dans des métiers (joaillerie, orfèvrerie, pelleterie) où l’on peut déplacer facilement son capital en cas d’urgence. De cette situation imposée naît l’image du Juif usurier, déraciné dans une société essentiellement fondée sur la richesse foncière, incapable de manier l’épée (comme le noble) ou la charrue (comme le paysan), mais vivant aux crochets du monde environnant et prêt, comme le Judas des évangiles, à trahir son maître pour trente deniers.
Les Juifs sont donc contraints de vivre à part. Depuis 1215 (Concile de Latran), ils doivent un temps porter la « rouelle » (insigne d’étoffe jaune). De multiples pratiques vexatoires et odieuses leur sont imposées, qui varient selon les lieux et les temps. Ils sont exposés à l’expulsion (d’Angleterre en 1290 ; de France en 1306 – ce sont quelque 100.000 Juifs qui partent pour l’exil, qui sera réitéré en 1394 ; d’Espagne en 1492 – voir plus haut – ; du Portugal en 1497). Même là où ils sont tolérés, ils se retrouvent regroupés dans un quartier juif spécifique (nommé selon les pays ghetto, Judenviertel, judería…) qui, s’il les sépare des non-Juifs et les isole en les désignant comme des hors-caste, permet il est vrai également aux communautés de se perpétuer dans le respect de leurs traditions.
C’est à cette époque que prend forme le mythe du Juif errant (the Wandering Jew, der Ewige Jude), Ahasvérus, condamné à parcourir éternellement le monde sans trouver de lieu où s’établir enfin…
Présente dans certains esprits, active dans la pratique sociale, la hargne antisémite n’a jamais manqué au cours de l’histoire de se donner des formes juridiques normatives, formant un corps de dispositions plus ou moins cohérent.
Le droit canon de l’Église catholique témoigne d’une riche inventivité en matière de mesures contre les Juifs :
- Dès 306, le Synode d’Elvira interdit les relations sexuelles (et a fortiori le mariage) et la commensalité avec les chrétiens.
- Celui de Clermont en 535 exclut les Juifs de toute fonction publique.
- Celui d’Orléans en 538 leur interdit d’avoir des serviteurs chrétiens et de paraître dans les rues pendant la Semaine sainte.
- Celui de Trulanic en 692 fait défense aux chrétiens d’avoir recours à des médecins juifs.
- Celui de Narbonne en 1050 leur interdit de vivre dans des familles juives.
- Depuis le 3e Concile du Latran (1179), les Juifs ne peuvent porter plainte ou témoigner en justice contre des chrétiens, et depuis le 4e (1215), ils sont stigmatisés dans leur vêtement.
- Le concile d’Oxford (1222) leur interdit de construire de nouvelles synagogues.
- Le synode de Breslau (1267) instaure le ghetto obligatoire.
- Celui d’Ofen (1279) interdit aux chrétiens de vendre ou de louer aux Juifs des biens immobiliers.
- Celui de Mayence (1310) interdit au chrétien la conversion au judaïsme et au Juif converti le retour au judaïsme.
- Le concile de Bâle (1434) interdit aux Juifs de servir d’intermédiaires dans la conclusion de contrats (notamment de mariage) entre chrétiens et proscrit de leur décerner des titres universitaires.
L’État n’est pas en reste.
- Louis le Bavarois (1328-1337) impose aux Juifs une taxe de protection per capita.
- Arguant que « les Juifs et leurs possessions appartiennent à la Chambre impériale », un code du XIVe siècle attribue à la collectivité les biens d’un Juif tué dans une ville allemande.
- À Nuremberg, à la fin du XIVe siècle, le droit entérine la confiscation des créances détenues par les Juifs sur des chrétiens.
- À Rome, en 1555, ce sont les Juifs eux-mêmes qui doivent financer la construction du mur d’enceinte du ghetto.
- À Francfort, au XVIIIe siècle, les maisons des Juifs sont marquées et leurs déplacements limités.
- Lorsque le futur philosophe et penseur des Lumières Moïse Mendelsohn (1729-1786) arrive adolescent à Berlin, capitale de la Prusse alors régentée par Frédéric II, il doit, comme tous ses coreligionnaires, y pénétrer par la Porte de Rosenthal, réservée « au bétail et aux Juifs ».
Jacques Déom (ULB).
"Un homme a ouvert le feu ce matin sur un groupe de parents et d'enfants devant le collège juif Ozar Hatora. Deux personnes ont été grièvement blessées. La police indique que le tireur pourrait être celui qui a abattu trois militaires à Toulouse et à Montauban la semaine dernière" - Fusillade devant une école juive de Toulouse, trois morts (Jean-Marc Leclerc, Le Figaro)
"Un homme a ouvert le feu lundi matin devant un collège juif, a-t-on appris de source policière. Trois enfants et un adulte ont été tués et deux personnes sont gravement blessées, a indiqué le procureur de la République, Michel Valet. Il s'agit du collège Ozar-Hatorah, dans le quartier résidentiel de La Roseraie, à Toulouse" - Toulouse : fusillade devant un collège juif (Jean-Michel Décugis et Aziz Zemouri, Le Point)
"Face aux républicains, elles militent contre le durcissement de la loi sur la contraception et l'avortement" - Les féministes américaines en campagne (Adèle Smith, Le Figaro)
"A force d'essayer de perdre les élections, ils vont finir par y arriver... Voilà maintenant les républicains en guerre contre une partie non négligeable de leur électorat : les femmes. Après la guerre contre la science, les impôts, l'assurance-santé, le mariage gay..., ces messieurs ont lancé une offensive anti-contraception" - Aux Etats-Unis, la revanche des "salopes" contre les républicains (Corine Lesnes, Le Monde)
"Après les récentes profanations commises par des extrémistes juifs contre des institutions chrétiennes de Terre Sainte, le Père Pierbattista Pizzaballa a écrit au président israélien Shimon Peres pour lui demander d’intervenir" - Israël: les chrétiens dans le collimateur des extrémistes (Apic/P.G., Catho.be. Photo : Vanjagenije)
"Le nombre des mosquées a augmenté en dix ans aux Etats-Unis à "une vitesse incroyable" (74%) et rien ne montre que l'intégrisme s'accentue chez les jeunes musulmans, affirme mercredi un rapport" - USA: de plus en plus de mosquées (AFP, La Libre Belgique)
"Although the sacred document in US public life was not the Bible but the Constitution, this was read through a biblical lens" - Separation of church and state: the American myth that may become reality (a comment by Andrew Brown, The Guardian)
"De nouvelles émeutes entre Chinois Han et Ouïgours musulmans près de Kashgar ont fait 20 morts mardi 28 février. La province autonome du Xinjiang, à majorité musulmane, est secouée par des protestations contre la répression religieuse et culturelle menée par Pékin" - Pékin veut reprendre en main le Xinjiang (Gaël Bernard, La Croix)
"Environ 950 victimes d’abus sexuels de la part de prêtres ou d’employés de l’Église catholique en Allemagne ont obtenu une indemnité financière, a indiqué mardi 28 février le porte-parole de la Conférence des évêques allemands, Matthias Kopp, en marge de l’assemblée générale des évêques de ce pays" - En Allemagne, l’Église indemnise 950 victimes d’abus sexuels (L.B.S. avec Apic, La Croix)
"Le maire de Paris Bertrand Delanoë a indiqué lundi 27 février dans un communiqué qu’il s’opposait au projet de cathédrale orthodoxe qui doit se construire juste à côté de la tour Eiffel" - Bertrand Delanoë contre le projet de l'église russe à Paris (Le Monde des Religions)
"Le Vatican a dévoilé, mercredi, des documents secrets visant à montrer l'attention envers les juifs du pape Pie XII, controversé pour son attitude durant la Seconde Guerre mondiale, et a promis l'ouverture prochaine des archives complètes sur cette période sombre - Pie XII et les juifs : le Vatican lève un coin du voile (AFP, Le Point)
"Le pape Benoît XVI est devenu le 6ème souverain pontife le plus âgé de l’histoire de l’Église, rapporte « Rome Reports », le 28 février" - Un nouveau record pour Benoit XVI ! (Catho.be)
"Qu’évoque pour vous le Vatican ? Siège de la chrétienté, résidence du pape, grandiose Basilique Saint-Pierre, curie romaine… A l’heure de ces lignes, la cité du Vatican met une sourdine à ses activités. Depuis dimanche 26 février, en effet, le pape et ses collaborateurs sont entrés en retraite. Toutes les activités du pape, comme les audiences, sont suspendues durant cette période. C’est le moment que choisit Radio Vatican pour montrer une autre facette de la célèbre cité, à savoir ses coulisses" - Le Vatican autrement (Apic/radiovatican/h2o/BL, Catho.be)