Fondée en 1971, l’association a pour but d’établir une réelle collaboration entre les hommes et les femmes dans l’Eglise et dans la société, basée sur la reconnaissance et l’application du principe évangélique de l’égalité fondamentale de chacun des membres du peuple de Dieu. Pour ce faire, elle promeut un partenariat égalitaire entre les sexes, ce qui signifie une recherche active, tant par les hommes que par les femmes, de l’égalité par la collaboration.
Mais il est bien question de « parler vrai » : en se basant tant sur le développement des sciences sociales, de la biologie et de la psychologie, que sur les Droits de l’Homme et les Évangiles, le groupe FHE se positionne contre l’essentialisme catholique qui institue une nature féminine et une nature masculine complémentaires. Il développe une conception féministe des rôles sexués construits socialement (les caractères, les images, les rôles masculins et féminins ne sont pas naturels, mais construits, et peuvent être remis en question), et dénonce les stéréotypes et les discriminations sexistes. Il s’agit donc aussi de s’attaquer au problème de l’ordination des femmes, et cette revendication se situe à l’intérieur d’une recherche globale sur l’Église elle-même et sur le sens des ministères, pensée dans le cadre de la doctrine de collégialité élaborée durant le Concile Vatican II. Le thème de la place de la femme dans l’institution est donc une porte d’entrée pour la remise en question globale du système autoritaire et hiérarchique. L’association FHE critique une institution qui contribue à l’enfermement des femmes et des hommes dans des rôles, et des doctrines arbitraires qui ont pour but de conserver un pouvoir historique. Mais cette critique se veut constructive d’une Église plus conforme à l’Évangile.
L’attitude de FHE est donc profondément critique, mais reste située à l’intérieur de l’Église, dans l’espoir de la transformer, dans son intérêt propre. Ses animateurs et militants attendent d’elle qu’elle reste fidèle à sa fonction prophétique et sa mission d’annoncer la bonne nouvelle, sans attendre que le changement vienne de l’État ou de la société civile. A ses débuts, l’association consacrait une grande partie de son travail à l’étude des arguments romains pour les contrer, continuer à défendre le point de vue féministe à l’intérieur de l’Église, lors des Synodes et de tous les rendez-vous de la collégialité, pour le bien de l’Institution, ceci dans l’espoir de voir se concrétiser petit à petit les résolutions du Concile Vatican II. Mais c’est ici que se trouve le principal enjeu : qu’est-ce qu’être « dans l’Église » ? En effet, malgré leur volonté de rester dans l’Église, l’histoire de FHE a éloigné ses promoteurs de celle-ci, au fil des obstacles institutionnels qui s’opposent à eux et des prises de position vues comme rétrogrades du magistère sur la question féminine.
Dans les années 80, le faisceau de mobilisation de FHE se dirige de plus en plus vers les croyants de la base, mais les synodes continuent de faire l’objet de toutes les espérances. Au fur et à mesure, les espoirs se détournent du magistère qui fait la sourde oreille, pour se concentrer vers les catholiques pour qu’ils contribuent à l’évolution de leur Église. Le Synode de 1987 — sur les laïcs, mais sans les laïcs ! — est un moment fort où, devant ce qui était considéré comme l’entêtement du magistère, la voie institutionnelle semble se boucher pour FHE. À partir de ce moment, la désillusion s’est installée, et les espoirs se concentrent sur le Peuple de Dieu, moteur du changement encore attendu. L’éviction de l’évêque d’Evreux, Jacques Gaillot, en 1995, vient confirmer l’autoritarisme que FHE impute à une Institution qui selon eux se sclérose, et amorce un mouvement un peu plus large de contestation de l’autorité par des catholiques, à travers la fondation de la Fédération des Réseaux du Parvis, pour la liberté de recherche et de parole dans l’Eglise.
Cette critique, commune à tout le réseau, porte sur les formes autoritaires de l’Institution catholique aujourd’hui, son détachement de la base des croyants et du monde contemporain. Il s’agit, au-delà de la critique, de faire émerger d’autres visages de l’Église, en fidélité avec l’Evangile, ce qui signifie la mise en place de pratiques « en avance » sur la vérité institutionnelle. Le Parvis marque un attachement à l’Eglise, qui est « point de départ », « espérance de renouvellement », mais s’il reste lié à l’Église, il constitue quand même un « en-dehors » qui reflète la critique que font ces chrétiens des institutions. Et cette critique s’accompagne nécessairement de visées constructives, évangéliques et communautaires.
En effet, malgré un malaise profond par rapport au discours dominant de l’Institution, et des difficultés à assumer cette appartenance, il y a un héritage catholique qui est revendiqué, une histoire — notamment celle qui a permis Vatican II —, une tradition, un esprit catholique, qui a vu naître les théologies de la libération, une originalité d’Église universelle ; tous ces éléments constituent l’Église, de laquelle aucune autorité ne pourra exclure ces chrétiens. Les chrétiens du Parvis ne sont donc pas des chrétiens sans Église, mais des « catholiques réformateurs » : l’institution doit devenir en réforme perpétuelle, et donc cesser d’être une institution sacrée et infaillible.
Femmes et Hommes dans l’Église s’appelle aujourd’hui Femmes, Hommes, Égalité, Droits et Liberté dans les Églises et la Société (FHEDLES) mais elle n’a pas disparu pour autant… Au cours des années 2000, les communiqués de presse viennent répondre aux événements marquants de l’actualité catholique, ils critiquent ouvertement l’autoritarisme du Vatican et s’inquiètent des conséquences de ses prises de position pour l’avenir de l’Église. La stratégie de ses animateurs ne vise désormais plus les autorités, mais le public, tant catholique et chrétien que non-religieux, afin de témoigner d’autres voix d’Église : sur la question du genre comme sur celle de l’autorité, ils ont toujours à cœur de « parler vrai », à tout le moins de faire entendre une autre voix catholique, même si l’Église institutionnelle les a lentement poussés en dehors de sa sphère d’action.
Juliette Masquelier (ULB).