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samedi 8 décembre 2018

Le rapport annuel de l’Église catholique en Belgique : un portrait chiffré riche d’enseignements

En novembre 2018, l’Église belge a, pour la première fois, publié un rapport annuel. Élaboré à la demande de la Conférence des évêques par Stéphane Nicolas et Jeroen Moens en collaboration avec Wim Vandewiele (KU Leuven) et Catherine Chevalier (UCLouvain), le document, fort de près d’une centaine de pages et richement illustré, brosse un portrait chiffré très complet de l’Église catholique en Belgique. On y trouvera une foule de données devenues généralement inaccessibles depuis la fin de la publication de l’Annuaire catholique de Belgique, dont la dernière édition portait sur l’année 2006. Le rapport publié en novembre 2018 présente, sauf exception, des données relatives à l’année 2016.

Si les chiffres produits proviennent essentiellement de données collectées au sein de l’Église, tel n’est pas le cas de l’estimation fournie d’emblée à propos du nombre de fidèles. À la question cruciale de savoir combien de catholiques compte la Belgique, l’Église répond que 1.071.853 personnes se déclarent catholiques pratiquantes. La précision du chiffre avancé masque le fait qu’il s’agit là d’une extrapolation proposée par le professeur Wim Vandewiele de la KULeuven, sur base d’une analyse combinée du European Social Survey Round 8 Data de 2016 et de l’enquête du PEW Research Institute de mai 2018 portant sur les chrétiens d’Europe occidentale. Le rapport propose ainsi un pourcentage de catholiques pratiquants de 9,42 %. Pour les catholiques déclarés, il avance un pourcentage de 52,76 %, tout en rappelant les chiffres du sondage ORELA/Ipsos/Le Soir/RTBF de 2016, qui avaient livré pour la Belgique francophone des pourcentages significativement plus élevés (20 % de catholiques pratiquants et 43 % de catholiques non pratiquants parmi les sondés).

Les chiffres relatifs aux sacrements et à la pratique dominicale qui sont, quant à eux, issus de comptages réalisés au sein de l’Église, sont à la fois plus fiables et plus intéressants. Ils nous fournissent les premiers éléments relatifs à l’évolution de la pratique religieuse depuis la publication des rapports d’une équipe de la KULeuven en 2007 et en 2009 (Botterman/Hooghe (2009) ; Havermans/Hooghe (2011)). Le rapport 2018 de l’Église nous apprend qu’en 2016, 50.867 baptêmes ont été administrés en Belgique. Rapportés aux 121.161 naissances de cette année-là (Source : Statbel), ils correspondent à un pourcentage de baptêmes par rapport aux naissances de 42 %. L’exercice a ses limites, dans la mesure où le sacrement de baptême n’est plus systématiquement administré dans les premiers mois de la vie d’un enfant ; toutefois, ces baptêmes « retardés » sont compensés, au niveau statistique, mutatis mutandis, par l’administration plus nombreuse de baptêmes à un âge ultérieur, et notamment celui des adultes. Le rapport entre le nombre de baptêmes et le nombre de naissances fournit donc bien une indication intéressante.

Autre sacrement, celui du mariage. En 2016, 7.859 couples se sont mariés religieusement au sein de l’Église catholique. Rapportés aux 44.725 mariages civils célébrés la même année (Source : Statbel), ils constituent un pourcentage de 17,6 %. Il convient à cet égard de rappeler que sauf dans le cas peu fréquent d’annulation d’un mariage, on ne peut contracter mariage devant l’Église qu’une seule fois ; les couples divorcés remariés ne peuvent recevoir le sacrement religieux du mariage. De même, les couples de même sexe n’ont pas accès au mariage catholique ; ils représentent environ 2,5 % du nombre de mariages. Le tableau suivant fournit l’évolution des taux de baptême (nombre de baptêmes rapporté au nombre total de naissance) et de mariage (nombre de cérémonies de mariage catholique rapporté au nombre de mariages civils). Le rapport de l’Église ne fournit pas de données relatives aux funérailles catholiques, dont le rapport du nombre au nombre total de décès se situait à 58,4 % en 2007.

Évolution de la pratique religieuse catholique (1977 – 2016)

  1977 1996 2007 2016
Baptêmes 85,2 % 68,1 % 54,6 % 42,1 %
Mariages 77,7 % 50,2 % 25,6 % 17,6 %

 

Le rapport fournit également le résultat du comptage du nombre de fidèles effectué le troisième dimanche du mois d’octobre dans toutes les églises ainsi qu’il était de tradition de l’effectuer jusqu’à la disparition du service de statistiques de la Conférence épiscopale en 1996, et ainsi qu’il l’avait été effectué pour la dernière fois en 2009. On apprend que 286.393 personnes ont assisté à l’eucharistie le troisième dimanche d’octobre 2016. Dans l’ignorance du chiffre total de la population âgée de 5 à 69 ans en 2016 auquel il conviendrait de le rapporter pour établir le pourcentage de la pratique dominicale selon les mêmes bases que lors des statistiques précédentes, on se contentera de comparer ce chiffre absolu à celui du comptage de 2009 : 315.063 fidèles avaient assisté à la messe le troisième dimanche d’octobre 2009.

En sept ans, le nombre de fidèles assistant à la messe a ainsi baissé de 10 %. Compte tenu d’un accroissement de la population dans le même temps, le pourcentage de la population (calculé sur les personnes âgées de 5 à 69 ans) assistant à la messe a au moins baissé de 10 %, et s’établirait donc aujourd’hui en dessous de 4,5 %. Le tableau suivant présente l’évolution de la pratique dominicale depuis 1977 :

Évolution de la pratique religieuse catholique (1977-2016) 7

  1977 1996 2009 2016
Pratique dominicale 29,4 % 13,1 % 5,0 % < 4,5 %

 

Depuis une quarantaine d’années, la baisse de la pratique religieuse en Belgique est constante. Le taux de baptêmes baisse en moyenne de 1 % chaque année, et celui des mariages de 1,5 %. Toutefois, en ce qui concerne en particulier la baisse du taux de mariages, la diminution est moins rapide depuis 2007 que durant la période précédente. Même si le taux actuel précis ne nous est pas connu, les chiffres absolus illustrent qu’il en va de même de la pratique dominicale, qui continue à baisser, mais dans des proportions moindres qu’au tournant du siècle.

Les taux de pratique religieuse ne sont évidemment pas les seuls indicateurs de l’évolution de l’activité catholique. Parmi les pratiques qui bénéficient encore d’une importante popularité, on peut citer les pèlerinages. Le rapport de l’Église nous apprend que celui de Montaigu (Scherpenheuvel) en Brabant flamand est le plus fréquenté de Belgique, rassemblant 800.600 pèlerins, loin devant ceux de Banneux (330.000 pèlerins, province de Liège, et Beauraing (77.000 pèlerins, province de Namur).

À côté de la baisse de fréquentation des églises, le second problème auquel l’Église catholique belge est confrontée depuis quelques décennies, est celui de la crise des vocations. Pour palier la baisse du nombre de prêtres, l’Église a de plus en plus recours à des prêtres étrangers, à des bénévoles et à des femmes. Le rapport fournit à cet égard des chiffres éclairants : parmi les 2.774 prêtres diocésains, 20 % sont de nationalité étrangère ; ils sont épaulés par 601 diacres. De façon de prime abord surprenante, le rapport mentionne que 340 femmes sont ministres du culte, rémunérées par le SPF Justice tout comme leurs homologues masculins : il s’agit en fait d’assistantes paroissiales, nommées à des places de vicaires vacantes. En outre, on compte en Belgique 2.205 prêtres d’un ordre religieux ou d’une congrégation, 498 aumôniers auprès des malades et des aînés (souvent des femmes, reconnaît l’Église) ; 10 aumôniers militaires (dont 1 femme) ainsi que 99 aumôniers dans les prisons (dont une majorité de bénévoles).

Au total, pas moins de 163.360 bénévoles sont actifs au sein de l’Église. Rapporté au chiffre global de la participation dominicale, 286.393 unités, on peut conclure de ce chiffre, sans présumer évidemment que tous les bénévoles assistent à une célébration eucharistique chaque semaine, ou, en particulier, le troisième dimanche d’octobre, que le pourcentage de catholiques actifs est très élevé. Plus de la moitié d’entre eux déploient sans doute une activité bénévole au sein de l’Église. Il s’agit là de la validation d’un constat fréquemment entendu dans la bouche des fidèles, selon lequel si leur nombre diminue, l’intensité de leur engagement, en revanche, augmente.

Le rapport récemment publié fournit également des données à propos des ordres monastiques et des congrégations religieuses. Il renseigne que 278 implantations néerlandophones et 101 implantations francophones rassemblent 10.262 religieux et religieuses, dont 71,7 % de femmes. Leur moyenne d’âge est très élevée. Le diocèse de Malines-Bruxelles y est cité en exemple : dans le Brabant flamand et à Malines seuls 5,5 % des religieux ont moins de 60 ans. Si cette pyramide des âges se vérifie dans tous les diocèses, ce que le rapport ne permet pas de conclure mais seulement de supposer, il est possible que la vie monastique disparaisse du paysage catholique belge à relativement court terme. On apprend encore que le monde compte 514 missionnaires belges en poste en dehors de l’Europe, à propos desquels le rapport ne donne malheureusement pas de précisions supplémentaires.

Le rapport présente également des données à propos d’un certain nombre de structures au-delà du périmètre de l’Institution, qui lui sont attachées par un lien organisationnel (présence d’un ou plusieurs représentants de l’Église dans l’organe de gestion) ou idéologique (référence explicite au catholicisme), ou encore un ancrage historique. Déterminer le périmètre des institutions catholiques n’est pas chose aisée, ainsi que le reconnaissent les rédacteurs du rapport : « Pour réaliser ce premier rapport annuel, il a fallu identifier les institutions et initiatives diverses liées à l’Église et les contacter pour établir des canaux d’échange d’information » (p. 6). On trouvera donc ici des données telles que le nombre d’étudiants inscrits à l’UCL et à la KU Leuven ou celui des jeunes qui fréquentent un mouvement de jeunesse historiquement ancré dans le catholicisme, qui ne renseignent plus sur l’appartenance catholique de ces personnes, mais bien sur le dynamisme des institutions qui les accueillent.

À propos de ces mouvements de jeunesse, les rédacteurs du rapport observent d’ailleurs que « définir si un mouvement de jeunesse est catholique ou non n’est pas chose aisée. Certains mouvements issus du dynamisme de l’Église se sont ouverts, ces dernières décennies, aux convictions diverses de notre société pluraliste. Souvent, c’est davantage dans la volonté d’ouverture aux autres convictions (et non dans le rejet de l’origine catholique de ces mouvements) que cette émancipation trouve son origine. L’Église apprécie cette ouverture des mouvements de jeunesse à la diversité » (p. 40)

À côté du rappel des chiffres de l’enseignement qui sont connus — une fourchette variant entre 41,3 % d’élèves (primaire francophone) et 71,2 % d’élèves (secondaire néerlandophone), scolarisés dans l’enseignement catholique —, on trouvera des informations moins habituellement disponibles sur des structures ancrées dans le pilier catholique , tels les établissements de santé mentale et de soins aux personnes âgées des Frères de la Charité qui emploient environ 14.000 personnes, ou la Société Saint-Vincent de Paul, où sont actifs 6.000 bénévoles. Le rapport évoque également le réseau Justice et Paix, dont les acteurs les plus importants sont Pax Christi Vlaanderen, BePax (anciennement Pax Christi francophone), la Commission Justice et Paix et NRV (Netwerk Rechtvaardigheid en Vrede). Il rappelle également les activités déployées par des mouvements de laïcs fondés depuis les années 1960, tels Sant’Egidio, l’Arche de Jean Vanier ou la Communauté de l’Emmanuel.

On ne trouvera par contre pas dans ce rapport mention d’organisations qui étaient autrefois constitutives de ce pilier catholique, telles les mutualités chrétiennes, les syndicats chrétiens ou les autres organisations constitutives du mouvement ouvrier chrétien : MOC, beweging.net (autrefois ACW), JOC... Les contours du pilier ainsi dessinés montrent une sphère catholique rétrécie mais toujours bien présente, en particulier auprès des jeunes.

La seconde partie du rapport, Patrimoine et organisation, est plutôt succincte. On n’y trouvera pas de bilan financier — ceux des associations interdiocésaines et diocésaines sont par ailleurs consultables via la centrale des bilans de la Banque nationale —, mais un chiffre consolidé, celui des budgets de fonctionnement agrégés des évêchés et du centre interdiocésain : 26.296.161 euros. On lira également dans cette partie du rapport que, parmi les plus de 4000 églises que compte le pays, 75 ont été désacralisées entre 2012 et 2016, un chiffre modeste mais significatif : il n’y a pas de blocage dans ce dossier, mais bien des difficultés structurelles à résoudre au cas par cas. On ne trouvera en revanche aucune information sur les revenus du casuel, c’est-à-dire le produit des dons reçus à l’occasion des cérémonies et celui des quêtes, des revenus qui, pourtant, attisent fréquemment la curiosité et les suppositions.

Ce premier rapport annuel de l’Église catholique fournit donc une foule de renseignements très intéressants. Si nous nous sommes attachés à en analyser les chiffres, c’est bien parce que ces données constituent l’essentiel du rapport. Ainsi que le souligne l’archevêque De Kesel dans la préface du document, « vous trouverez dans cette brochure une abondance d’informations et de données chiffrées. Toutefois, une importante partie de la vie d’Église et le cœur même de la foi ne peuvent être appréhendés par le biais de statistiques. Ces chiffres montrent cependant aussi que nombreux sont ceux qui, dans notre pays, cherchent à témoigner, par leurs actes, du grand amour de Dieu pour les hommes. C’est ainsi que l’Église garde son importance dans la société contemporaine ».

L’action de l’Église et celle des organisations qui s’en réclament à des degrés divers ne sont guère présentées dans le rapport qu’à travers des exemples et des témoignages. Sur la vie même de l’Église, les lettres pastorales et les communiqués de la conférence épiscopale ou les événements qui ont rythmé ses activités en 2016, le rapport est muet. Si l’ambition de l’Église de Belgique de publier chaque année un rapport annuel se confirme, il est à souhaiter que l’on trouve dans la prochaine livraison moins une actualisation des données chiffrées, dont la variation annuelle ne serait sans doute guère significative, qu’un bilan de l’activité catholique déployée durant l’année écoulée…

Caroline Sägesser (CRISP-Université libre de Bruxelles).

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