Lundi 23 décembre 2024
mardi 18 décembre 2012

Calendriers mayas et fin du monde : que va-t-il se passer le 21 décembre 2012 ?

Livres, conférences, sites internet, émissions de télévision et même grandes productions hollywoodiennes le clament haut et fort : les anciens Mayas auraient prédit la fin du monde pour le 21 décembre 2012. Qu’en est-il réellement ? À quelques heures à peine de la date fatidique, il est utile de faire le point sur la question, en nous appuyant sur la littérature et les données épigraphiques les plus récentes...

Les Mayas préhispaniques occupaient une région correspondant aux frontières actuelles du Guatemala, du Belize, d’une partie du Mexique (péninsule du Yucatan et moitiés orientales du Tabasco et du Chiapas) et du nord-ouest du Honduras et du Salvador. Tout comme leurs voisins les Aztèques, ils appartenaient à une vaste aire culturelle appelée Mésoamérique. Présents dès le début de notre ère, les Mayas habitaient encore la région au 16e siècle, lors de l’arrivée des Espagnols. On dénombre actuellement environ six millions de Mayas, dont surtout des Quichés dans les hautes terres guatemaltèques, et des Yucatèques au Mexique.

Les Mayas utilisaient simultanément plusieurs calendriers, tous cycliques. Le calendrier solaire de 365 jours, ou Haab, était répandu dans toute la Mésoamérique et, comme le nôtre, il était divisé en « mois » (de 20 jours, les « vingtaines ») et en jours. Le calendrier divinatoire de 260 jours, appelé Tzolk'in, était quant à lui divisé en 20 « semaines » de treize jours, les « treizaines ». Ces deux calendriers utilisaient les mêmes noms de jours (l’équivalent de nos lundi, mardi, etc) et, tous les 52 ans, ils recommençaient simultanément. Le calendrier qui nous intéresse ici est cependant plutôt le « compte long », fréquemment utilisé par les Mayas mais beaucoup moins répandu dans le reste de la Mésoamérique. Il était tout aussi cyclique que les autres, mais s’étendait sur une durée bien plus importante. Un cycle correspondait à 5125 ans, ce qui permettait de renvoyer à des événements lointains dans le passé ou le futur. Or, selon la corrélation entre ce « compte long » et notre propre compte des années, le cycle actuel a débuté en 3114 avant notre ère, et il s’achèvera… le 21 décembre 2012. Mais les Mayas ne doutaient aucunement du fait que ce cycle serait suivi d’un autre, tout comme il nous paraît évident, lorsque nous arrivons à la fin de l’une de nos années, que le 31 décembre ne marquera pas la fin des temps mais sera tout simplement la veille du 1er janvier de l’année suivante.

Comme la plupart des peuples mésoaméricains, les Mayas s’intéressaient à l’astrologie, à la divination et à la prévision de l’avenir. Ces pratiques intéressent d’ailleurs toujours autant les Mayas actuels. Dans des ouvrages comme les Livres de Chilam Balam, qui sont en fait des mises par écrit tardives, bien après l’arrivée des Espagnols, de traditions orales transmises de génération en génération, on peut ainsi trouver différentes prédictions sur le caractère bon ou mauvais des jours futurs, en fonction de ce qui s’était déjà produit par le passé. Elles sont souvent très vagues et ne sont pas davantage fiables que nos horoscopes. Comme d’aucuns l’ont observé, les Mayas n’ont pas vu venir le plus grand cataclysme qui se soit jamais abattu sur les civilisations précolombiennes : la Conquête espagnole, au sujet de laquelle on ne trouve pas un seul mot dans tout le corpus de la littérature prophétique amérindienne…

De plus, les inscriptions sculptées sur les monuments mayas ne concernent habituellement pas tant des prédictions de l’avenir que des prescriptions de rituels à exécuter à telle ou telle date dans le futur, lors par exemple d’un anniversaire, même très lointain, de la naissance ou de l’accession au pouvoir d’un dirigeant. Elles emploient le verbe conjugué au futur utom, « cela va arriver », presque toujours pour annoncer des événements extrêmement banals du genre  « dans 146 ans, nous serons tel jour, le 400e anniversaire de la naissance de notre roi ».

Que nous disent les Mayas sur le 21 décembre 2012 (ou, plutôt, que ne nous disent-ils pas) ? Il existe deux types de sources. D’une part, les inscriptions sculptées sur de nombreux monuments. D’autre part, les codex et les livres en écriture alphabétique qui continuent la tradition préhispanique, tels que le Popol Vuh ou les Livres de Chilam Balam. Or, les chercheurs sont unanimes : aucune de ces sources n’annonce la fin du monde en 2012. L’idée du « compte long » qui s’achèverait pour de bon le 21 décembre 2012 est une invention moderne… Mais voyons plus en détail ce que nous disent les inscriptions mayas au sujet de l’avenir.

À ce jour, seules deux inscriptions comportant la date du 21 décembre 2012 ont été découvertes. La première, connue depuis un certain temps déjà, figure sur le Monument nº 6 de Tortuguero. Mais les glyphes qui suivent la date sont endommagés, empêchant ainsi les épigraphistes de comprendre ce dont il était question. La découverte de la seconde inscription, en mai dernier, arrive quant à elle à un moment très opportun, quelques mois à peine avant l’échéance fatidique. Sur le bloc 5 de l’escalier hiéroglyphique nº 2 du site de La Corona, au Guatemala, David Stuart a en effet identifié la fameuse date. Mais l’inscription ne prédit absolument rien : elle rapporte la visite d’un dirigeant de Calakmul le 29 février 696 et, comme les Mayas en avaient l’habitude, situe cet événement par rapport à des dates symboliquement importantes. Après une brève projection en 2012, le texte revient rapidement à l’époque présente d’alors, au 7e siècle.

Preuve s’il en est que les Mayas considéraient bel et bien que la vie allait continuer bien au-delà de 2012, il existe plusieurs exemples d’inscriptions qui font allusion à des dates bien plus lointaines encore. Ainsi, à Palenque, au Mexique, une série de glyphes nous informe-t-elle du fait que l’année 4772 sera celle d’un important anniversaire, celui de la 80e période de 52 ans écoulée depuis le couronnement du roi Pakal. Les Mayas de Xultun, au Guatemala, ont quant à eux vu encore plus loin puisque des peintures murales récemment découvertes comportent une série de dates qui renvoient tant au passé qu’au futur, dans… 7000 ans !

Quant au fameux Livre de Chilam Balam de Chumayel, il contient bel et bien des prédictions, dans la mesure où certains événements sont supposés se répéter éternellement de période en période, mais la date du 21 décembre 2012 n’y figure pas et, surtout, les prédictions en question sont formulées de manière extrêmement vague et ésotérique. Ainsi, pour la période qui nous intéresse, 1992-2012, les événements prévus sont les mêmes que ceux qui étaient annoncés pour 1736-1756 ou encore 1480-1500, à savoir : « Les Itzas arriveront dans leur ville. Arriveront des plumages, arriveront des quetzals. Arrivera Kantenal, arrivera Xekik, arrivera Kukulkan. Et, à leur suite arriveront de nouveau les Itzas. C’est la parole de dieu. » (Benjamin Péret, Livre de Chilam Balam de Chumayel, Paris, 1955, p. 205)… La fin du monde tant redoutée n’est donc pas non plus inscrite dans cet ouvrage.

D’où vient, alors, l’interprétation catastrophiste largement relayée par les médias ? Le 21 décembre 2012, le calendrier maya en compte long reviendra à son point de départ pour la première fois en 5125 ans, telles les aiguilles d’une montre qui atteignent à nouveau le « 12 » sur le cadran. C’est ce retour à « zéro » qui est à l’origine de l’interprétation apocalyptique moderne. Mais, si la date marque un moment symboliquement important dans le calendrier maya, elle ne signifie aucunement la fin du monde. Elle est comparable à notre 31 décembre, veille du 1er janvier d’un nouveau siècle ou d’un nouveau millénaire. Car somme toute, dans notre société, le passage du cap de l’an neuf marque bien le début d'un nouveau cycle et amène son lot de rituels : on fête son arrivée, on prend de bonnes résolutions, etc.

C’est surtout le best-seller planétaire de l’auteur et artiste new age José Argüelles, Le Facteur maya, qui a diffusé l’idée d’une fin du monde annoncée par les calendriers mayas (José Argüelles, The Mayan Factor: Path Beyond Technology). Dans son livre paru en 1987, il s’appuie en effet sur le compte long, qu’il interprète mal puisqu’il ne comprend pas qu’il s’agit d’un calendrier cyclique – avec, certes, des cycles de très longue durée – et affirme que le 21 décembre 2012 mettra un terme au calendrier maya et sera la date de la fin du monde. La date est précise, relativement proche, et joue sur une interprétation d’un calendrier souvent mal connu et mal compris du grand public, qui néanmoins s’intéresse volontiers aux mystères exotiques de la civilisation maya. Le succès est foudroyant : en quelques mois, l’hypothèse se répand et croît de façon exponentielle au fur et à mesure que la date approche, largement relayée par le biais d’internet. Ironie du sort, Argüelles, décédé en mars 2011, n’aura jamais l’occasion de vérifier sa théorie...

Les anciens Mayas n’ont donc jamais prévu la fin du monde en 2012, et l’interprétation d’Argüelles repose sur une mauvaise compréhension de leur système de comput du temps. En outre, dans son Facteur maya, Argüelles combine plusieurs sources n’ayant aucun rapport entre elles. Aux calendriers mayas, viennent ainsi s’ajouter des données venant du I Ching chinois et d’autres encore, que l’auteur mélange à sa guise. Il invente même son propre calendrier, qui n’a strictement rien à voir avec celui des Mayas. Argüelles fait partie des auteurs qui ont contribué au développement et à la diffusion du mayanisme, une série de croyances new age basées sur des interprétations très personnelles de la culture des anciens Mayas. Ces interprétations ne sont accréditées par aucun scientifique et ce, d’autant plus qu’elles ont contribué à répandre des idées totalement fausses de la culture maya auprès du grand public. Les Mayas actuels n’ont d’ailleurs, pour la grande majorité d’entre eux, pas témoigné le moindre intérêt pour ces idées de fin du monde… Non seulement ils n’y croient pas, mais d’aucuns s’offusquent du détournement de la culture de leurs ancêtres à des fins discutables.

Sylvie Peperstraete (ULB).

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