Le politologue Philippe Portier, directeur du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL-CNRS), faisait récemment le constat que dans un monde contemporain globalisé où le politique s’affaiblit, l’on voyait à l’œuvre une politisation de la foi et une spiritualisation du politique. Les pays les plus sécularisés n’échappent pas à la règle et c’est jusqu’à la France laïque qui aujourd’hui reconsidère son rapport au religieux. La présidence actuelle en témoigne de manière significative, illustrant de manière aiguë un autre constat de Philippe Portier (L’État et les religions en France. Une sociologie historique de la laïcité, 2016), à savoir que la laïcité serait une sorte de matière vivante dynamique, voire dulcifiante. À l’heure où il s’agit une nouvelle fois d’organiser ce que d’aucuns appellent sans trop de nuances « l’islam de France », et où doivent s’ouvrir des états généraux précédant la révision des lois de bioéthique — prévue à l’automne —, alors aussi qu’un récent sondage réalisé pour La Croix et le Forum européen de Bioéthique révèle une opinion publique très favorable à une évolution législative sur la PMA, la GPA et la fin de vie…, la France est agitée par de sempiternels conflits qui illustrent le paradoxe manifeste d’une République laïque où la religion est pourtant au cœur de la cité.
"Jeudi 21 décembre, le chef de l'État a reçu pour la première fois l'ensemble des représentants des cultes à l'Élysée. Une rencontre appelée à se reproduire, selon le souhait du chef de l'État" — Laïcité et migrants : deux sujets débattus par Emmanuel Macron et les responsables religieux (Claire Lesegretain et Mélinée Le Priol, La Croix)
"Le président Emmanuel Macron a reçu aujourd'hui à l'Elysée les représentants des cultes, devant lesquels il a affirmé que la 'République est laïque' mais 'non la société', et s'est dit 'vigilant' face au risque d'une 'radicalisation de la laïcité'" — Macron : «vigilant» face au risque de «radicalisation» de la laïcité" (cultes religieux) (AFP, Le Figaro)
La presse a rapporté une scène surréaliste — du moins à nos yeux d’Européens — qui s’est déroulée à la Maison Blanche ce mercredi 20 décembre : le secrétaire au Logement du cabinet de Donald Trump y a récité, en pleine réunion gouvernementale et à la demande du président américain, une prière de gratitude pour remercier Dieu de la victoire politique obtenue au Congrès sur la réforme fiscale voulue par l’administration Trump.
En septembre dernier les Américains avaient déjà été appelés à une journée nationale de prière en solidarité avec les victimes de l’ouragan Harvey qui s'était abattu sur le Texas, et le président des États-Unis s'était entouré de leaders spirituels pour un moment de méditation dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. « Mon père, je te remercie d’avoir un président Donald Trump qui croit au pouvoir de la prière », s’était alors félicité le pasteur Jeffress, la main sur l’épaule du président américain. Même si le président Obama et ses prédécesseurs nous ont habitués à ce que leur recueillement spirituel soit mis en image et participe de la mise en scène de leur pouvoir, les nombreuses prières d’intercession, l’attitude de profonde méditation du président, l’imposition charismatique des mains des présents sur le corps du président Trump renvoient à un tout autre topos de la sacralisation du pouvoir, celui de l’appel à l’intercession divine pour stimuler l’efficacité de la décision politique.
Cette réaffirmation du sentiment religieux au cœur du pouvoir, cette irruption de la superstition dans le rituel politique constituent une signe supplémentaire des rapports nouveaux — ou de l’actualisation de rapports anciens — qui se tissent aujourd’hui entre le politique et le religieux, et surtout des usages de symboles et pratiques religieuses dans la construction d’un « récit » politique qui s’essouffle sur le plan idéologique. À la sortie sociologique du religieux qui caractérise notre monde occidental se superpose son retour politique et symbolique, dans une modernité en crise profonde, qui peine à trouver des resssources dans la rationalité politique.
En 1965, le sociologue américain Harvey Gallagher Cox, dans son livre The Secular City. Secularization and Urbanization in Theological Perspective, avait forgé sa théorie de la sécularisation, qui fera florès. Mais trente ans plus tard, comme le rappelait récemment le journaliste Henri Tincq, Cox remettait en cause son intuition initiale dans un ouvrage intitulé Fire from Heaven: The Rise of Pentecostal Spirituality and the Re-shaping of Religion in the 21st Century (1994), traduit en français sous le titre Le retour de Dieu. Dans notre monde occidental sécularisé — notre ultra-modernité comme la nomme Jean-Paul Willaime —, ce « renouveau religieux » contribue à reconstruire les identités, concourt pour d’aucuns à compenser les frustrations sociales et se conjugue avec des sociétés plurielles, culturellement mondialisées, où se tracent de nouvelles frontières entre politique et religion.
Cette image du président Trump priant dans le lieu par excellence où le rituel politique se met en scène, le Bureau ovale, comme bien d’autres images qui forgent ce qu’est le religieux en cette fin d’année 2017, dans un contexte d’angoisses sociales, de logiques d'incertitude, d’inquiétudes environnementales et d’incertitudes grandissantes sur le plan géostragétique, nous convainct plus que jamais que le rôle et la mission de notre Observatoire demeurent essentiels : décrire, expliquer et analyser le phénomène religieux contemporain en le mettant en contexte, de manière critique et non partisane. Cette mission sera toujours la nôtre en 2018, dans la continuité et le renouvellement : dans l’intervalle, nous nous mettons en vacances jusqu’au 8 janvier 2018, en souhaitant à tous nos lecteurs de très belles fêtes de fin d’année…
L’équipe ORELA.
"Vidéo - Le cardinal américain Bernard Law, ancien archevêque de Boston, éclaboussé par un scandale de prêtres pédophiles aux États-Unis, est décédé mercredi matin à Rome à l'âge de 86 ans des suites d'une longue maladie, a annoncé le Saint-Siège...Spécialiste des questions religieuses au Figaro, Jean-Marie Guénois revient sur le parcours de l'ancien archevêque" — Scandale pédophile de Boston : mort du cardinal qui avait couvert des prêtres (Jean-Marie Guénois, Le Figaro)
"Le cardinal américain Bernard Law, l'ancien archevêque de Boston, est décédé mercredi 20 décembre à l'âge de 86 ans. Le cardinal Law incarnait le silence longtemps maintenu par l'Église sur les scandales de pédophilie" — Vidéo - Le cardinal Law et les scandales de pédophilie dans l'Église (Jean Duriez, La Croix)
"L'appel de trois inspecteurs de religion catholique à revoir profondément l'enseignement des cours de morale et de religion n'est pas passé inaperçu ! L'Eglise a réagi, de même que de nombreux professeurs. Une pétition a été lancéeé" — Mobilisation pour le maintien des cours de religion (Pierre Granier, Cathobel)
"En réponse à l'appel de trois inspecteurs de religion en faveur d'une modification des cours de philosophie et de citoyenneté, au détriment des cours de religion et de morale, les évêques mettent les choses au point" — Enseignement : Les évêques réagissent à l'appel de trois inspecteurs de religion (Jean-Jacques Durré, Cathobel)
Vatican
"Le Pape François a envoyé son aumônier officiel sur l'île d'Ischia pour exprimer sa proximité avec les personnes touchées par le tremblement du terre d'août dernier" — Le soutien du Pape aux victimes du séisme d'Ischia (Vatican News)
"Le Pape François a participé ce lundi matin à un échange par vidéo-conférence avec les étudiants de l'université Sophia, de Tokyo. Huit questions ont été posées au Pape par les étudiants de cette prestigieuse université jésuite, qui forme les élites du Japon" — Le Pape invite des étudiants japonais à ne pas tout sacrifier à l'argent (Vatican News)
"Exclusif. L'association pour le dialogue interreligieux 'Coexister' publie une enquête sur les mots-clés que 2 000 collégiens et lycéens associent aux différentes religions. Ce procédé original montre que les jeunes ont un minimum de connaissance..." — Les jeunes ont peu de préjugés sur les religions (Gauthier Vaillant, La Croix)
"Depuis les séries d'attentats de 2015 comment la tolérance à l'égard des religions a-t-elle évolué chez les lycéens ? Les résultats de l'enquête réalisée par l'association Coexister sont rassurants" — Islam, religion juive ou christianisme : quels sont les préjugés des lycéens envers les religions (Claire Chaudière, Valeria Emanuele, France Inter)
"Le sénat italien a approuvé ce jeudi 14 décembre le projet de loi sur le testament biologique, prévoyant des dispositions de fin de vie. Le débat aura été rude face à l'opposition des catholiques" — En Italie, le parlement adopte sa loi sur la fin de vie (Ariel F. Dumont, Marianne)
France
"Une note de la Fondation Jean Jaurès que 'La Croix' s'est procurée en exclusivité montre, entre 1957 et 2017, des relations bien plus complexes qu'on ne pourrait le penser entre les socialistes et l'Enseignement catholique" — Entre le PS et l'école privée, une relation « ambivalente » (Denis Peiron, La Croix)
"L'instance de dialogue avec l'Église catholique se réunit mardi 12 décembre à Matignon. À côté des sujets techniques, la Conférence des évêques de France a souhaité cette année aborder aussi des thèmes plus politiques" — Logement, migrants et bioéthique : trois thèmes discutés par l'Église catholique à Matignon (Anne-Bénédicte Hoffner, La Croix)
"Mardi après-midi, les plus hautes autorités de l'Église de France sont reçues par le premier ministre et le ministre de l'Intérieur pour en discuter" — Le prélèvement de l'impôt à la source inquiète l'Église catholique (Jean-Marie Guénois, Le Figaro)
"Exit les cours de religion et de morale au profit de cours de citoyenneté ? Le MR dépose une proposition visant à faire passer le cours de philosophie et citoyenneté de une à deux heures obligatoires par semaine... aussi bien dans l'enseignement libre que dans l'officiel" — Quel avenir pour les cours de religion ? (Manu Van Lier, Cathobel)
"Le ministre a annoncé la mise en place d''unités laïcité', confirmé le 'confinement' des portables et refusé les compliments de Marine Le Pen" — Portable, laïcité : les combats de Jean-Michel Blanquer (AFP, Le Point)