Vendredi 26 avril 2024
vendredi 20 décembre 2019

Deuxième rapport de l’Église catholique en Belgique : des taux de pratique toujours en baisse

L’Église catholique belge vient de faire paraître son deuxième rapport annuel. Comme l’année dernière, le document consiste en un peu moins d’une centaine de pages richement illustrées, qui présentent une série de données chiffrées relatives à l’évolution de la vie de l’Église. En comparaison avec l’édition 2018, le rapport de cette année s’est enrichi de quelques éléments complémentaires, et de références aux événements qui ont rythmé la vie de l’Église durant cette année-là. Outre le rôle croissant des femmes au sein de l’Église, dimension mise en avant par les rédacteurs, le rapport interpelle par les taux de pratique particulièrement bas qui y sont indiqués.

Lors de la présentation du document, l’accent a été mis sur le rôle toujours plus important des femmes au sein de l’Église belge. Cette dimension a été reprise dans la presse, Le Vif l’Express consacrant même un dossier aux « femmes, avenir de l’Église » dans son édition du 5 décembre 2019. Le rapport nous apprend en effet que les femmes constituent la majorité (55 %) des personnes actives dans l’Église.  Bien que « l’objectif [soit] que les femmes puissent accéder, au sein de l’Église catholique belge, autant à des tâches d’exécution qu’à des tâches dirigeantes » (Rapport, p. 8), les femmes sont aujourd’hui les plus nombreuses parmi les assistants paroissiaux (79 %), les catéchistes (68 %), et dans les aumôneries des hôpitaux et des maisons de repos (68 %).

Au niveau des conseils épiscopaux, organes de gestion des diocèses, les femmes ne sont plus que 22 %. Et naturellement, l’ordination sacerdotale leur restant interdite, on ne trouve pas de femmes curés ou évêques. Même les diacres demeurent à 100 % masculins, l’ouverture du diaconat aux femmes envisagée au sein d’une commission spécifique mise en place par le pape François n’ayant pas abouti à ce jour. Toutefois, on retrouve des femmes ayant le statut de ministres du culte aux yeux des pouvoirs publics : elles sont 437 (contre 340 l’année précédente) à percevoir un traitement du SPF Justice à ce titre. Il s’agit d’assistantes paroissiales, qui reçoivent un traitement correspondant à celui d’un vicaire.

Cela reflète une réalité qui explique également que les femmes soient devenues incontournables au sein de l’Église : le nombre de prêtres catholiques est en forte diminution. En 2018, on comptait au sein des diocèses 2 301 prêtres (contre 2 774 en 2016). Parmi eux, seuls 26,6 % sont âgés de moins de 65 ans ; plus de la moitié ont plus de 75 ans (51,4 %). Dans les années à venir, il est fort probable que la présence de femmes actives tant dans la pastorale que dans la gestion de l’Église ne fera que croitre. Tout comme l’appel fait à des prêtres étrangers qui viennent suppléer le manque de prêtres belges. À cet égard on regrettera l’absence, dans le rapport, de statistiques complètes : si 20 % des ministres du culte sont d’origine étrangère, la ventilation de leurs nationalités n’est fournie que pour trois diocèses. Parmi ces derniers, celui de Malines-Bruxelles, où cinquante ministres du culte sont de nationalité congolaise (Rapport, p. 23).

On le sait, la baisse du nombre de vocations sacerdotales (63 séminaristes en formation en 2018, contre 85 en 2016) s’accompagne de la baisse de la pratique religieuse. À ce propos, le rapport 2019 fournit des données chiffrées relatives à l’année 2018, tandis que celui de 2018 présentait les données de 2016. Les rédacteurs du rapport ont choisi de ne pas faire de comparaison avec 2016, car « il convient d’encore confirmer les méthodes de collecte des données, voire – pour certains secteurs – de les améliorer » (Rapport, p. 16). Néanmoins, on peut supposer que ces méthodes étaient globalement les mêmes pour 2018 et 2016, et envisager une comparaison entre les deux années.

Le rapport nous apprend qu’en 2018, 44 850 baptêmes (contre 50 867 en 2016) ont été administrés en Belgique. Rapportés aux 117 800 naissances survenues l’an dernier, ils correspondent à un pourcentage de 38,1 % de baptêmes par rapport aux naissances de l’année (contre 42,0 % en 2016). Certes, l’exercice a ses limites puisque le sacrement de baptême n’est plus systématiquement administré dans les premiers mois de la vie d’un enfant. Toutefois, ces baptêmes « retardés » sont compensés, au niveau statistique, mutatis mutandis, par l’administration plus nombreuse de baptêmes à un âge ultérieur, et notamment à des adultes. L’évolution du rapport entre le nombre de baptêmes et le nombre de naissances fournit donc bien une indication intéressante.

En ce qui concerne les mariages religieux, 6 765 d’entre eux ont été célébrés en 2018 (contre 7 859 en 2016). Rapportés aux 45 059 mariages civils célébrés l’an dernier, ils constituent un pourcentage de 15,0 % (contre 17,6 % en 2016). Il convient à cet égard de rappeler que sauf dans le cas peu fréquent de l’annulation d’un mariage (le rapport nous apprend que 95 mariages ont été annulés en 2018), chaque catholique ne peut contracter mariage devant l’Église qu’une seule fois ; les couples constitués d’une ou deux personnes divorcées sont donc exclus de ce sacrement, tout comme les couples de même sexe. Enrichissement par rapport au rapport 2018, le rapport 2019 nous fournit des comptages relatifs aux funérailles : 48 407 défunts ont eu des funérailles religieuses catholiques, ce qui correspond à 43,4 % des 110 645 décès constatés l’an dernier. Le rapport précise encore pour la première fois le nombre de premières communions et de sacrements de la confirmation (respectivement de 45 079 et 39 284 en 2018).

En ce qui concerne la pratique dominicale, elle a été mesurée le troisième dimanche d’octobre 2018 à 238 298 personnes. En 2016, la même opération de comptage avait dénombré 286 393 personnes. Cela correspond à une baisse en valeur relative de 20 % en deux ans. La participation à l’eucharistie connaît quant à elle un pic de 508 907 personnes à Noël.

Le tableau suivant synthétise les évolutions constatées en matière de pratique religieuse au sein de l’Église catholique.

Évolution de la pratique religieuse catholique en Belgique (1977-2018)

  1977 1996 2007 2009 2016 2018
Baptêmes 85,2 % 68,1 % 54,6 % - 42,1 % 38,1 %
Mariages 77,7 % 50,2 % 25,6 % - 17,6 % 15,0 %
Funérailles 83,7 % 77,7 % 58,4 % - - 43,4 %
Pratique dominicale 29,4 % 13,1 % - 5,0 % < 4,5 % < 3,6 %

Source : C. Sägesser, Cultes et laïcité, Bruxelles, CRISP, Dossier n° 78, 2011, p. 73 ; Rapport annuel. L’Église catholique en Belgique, novembre 2018, p. 15 ; Rapport annuel. L’Église catholique en Belgique, décembre 2019, p. 15.

Depuis plusieurs décennies, la baisse de la pratique religieuse catholique en Belgique est constante. Le taux de baptême baisse en moyenne de 1 % chaque année et celui des mariages de 1,5 %. Toutefois, les chiffres publiés dans le rapport annuel 2019 montrent une accélération de cette tendance : en deux ans, le taux de baptême aurait baissé de 4 %, et celui des mariages de 2,6 %. Quant au taux de funérailles catholiques, longtemps resté nettement plus élevé, il s’établit aujourd’hui en-dessous de la barre des 50 %, et en recul de 25 % en valeur relative depuis 2007. La baisse la plus spectaculaire concerne la pratique dominicale, qui a été divisée par huit en l’espace de quarante ans.

Les taux de pratique religieuse ne sont évidemment pas les seuls indicateurs de l’évolution de l’activité catholique. Parmi les pratiques qui bénéficient encore d’une importante popularité, on peut citer les pèlerinages. Le rapport annuel de 2019 nous apprend que celui de Montaigu (Scherpenheuvel, en Brabant flamand) demeure le plus fréquenté de Belgique, drainant plus de 800 000 pèlerins chaque année. Les lieux de retraite demeurent également fort prisés, avec 227 261 nuitées comptabilisées en 2018 (Rapport, p. 54-55).

Les églises sont également des éléments clés du patrimoine qui contribuent à l’attractivité touristique des différentes régions : la cathédrale Saint-Bavon de Gand a ainsi reçu plus d’un million de visiteurs en 2018, en particulier grâce à la présence du retable de l’Agneau mystique des frères van Eyck. Toutes les églises n’ont pas la même valeur artistique ou patrimoniale, ce qui pose la question de leur réaffectation dans le contexte de la sécularisation. En 2018, 39 paroisses ont été supprimées et 31 églises désaffectées (Rapport, p. 14-15).

Comme le précédent, le rapport annuel de 2019 contient des données relatives à un certain nombre de structures qui se situent au-delà̀ du périmètre de l’institution, mais qui lui sont attachées par un lien organisationnel (la présence d’un ou plusieurs représentants de l’Eglise dans l’organe de gestion), idéologique (la référence explicite au catholicisme) ou encore par un ancrage historique. Déterminer le périmètre des institutions catholiques n’est pas chose aisée ; contrairement au premier rapport, celui-ci ne mentionne plus de données relatives à l’ensemble des étudiants inscrits à l’UCLouvain et à la KU Leuven mais seulement à ceux des facultés de théologie : 132 étudiants (dont 29,5 % de femmes) et 686 étudiants (dont 42,5 % de femmes) étaient inscrits dans cette filière, respectivement à l’UCLouvain et à la KULeuven.

Rappelons que c’est dans l’enseignement que le pilier catholique demeure le plus fort, avec entre 41,5 % (niveau primaire en Communautés française et germanophone) et 71,1 % (niveau secondaire en Communauté flamande) des élèves scolarisés dans des écoles catholiques.

Comme le précédent, le rapport 2019 fournit d’intéressantes indications sur des organisations issues du monde catholique : mouvements de jeunesse, associations de laïcs proposant un approfondissement de la foi (le Renouveau charismatique, Vie montante… ), organisations actives dans la coopération au développement (Caritas, Entraide et Fraternité…), l’aide aux démunis (Bruxelles Accueil Porte Ouverte…), aux malades ou aux personnes âgées. Le rapport illustre ainsi que si le nombre de catholiques qui participent aux célébrations eucharistiques est réduit, le nombre de personnes actives dans des mouvements à caractère philanthropique ou social d’origine catholique reste lui très élevé. Le rapport mentionne encore que l’on dénombrait 147 659 bénévoles en paroisse en 2018 (Rapport, p.69).

Signalons également que le rapport fournit de nombreuses données relatives aux congrégations religieuses dont les membres sont eux aussi en diminution (9 560 religieux en Belgique, dont 73 % de femmes, contre 10 262 annoncés dans le rapport précédent). Parmi les données fournies, on retrouve le volume de la production des six brasseries trappistes de Belgique, dominé par les pères trappistes de Chimay avec 185 000 hectolitres brassés en 2018.

Comme son prédécesseur, le rapport annuel de l’Église catholique 2019 fournit une abondance de données chiffrées, mais très peu de données financières.  On ne trouve en particulier aucune information sur les revenus du casuel, c’est-à-dire le produit des dons reçus à l’occasion des cérémonies et celui des quêtes – des revenus qui attisent fréquemment la curiosité et les suppositions, et que l’on imagine en baisse, eux aussi. Une hypothèse que confirment les données fournies pour la seule fabrique de la cathédrale d’Anvers (Rapport, p. 49) : ses revenus propres proviennent à 60 % du tourisme (billetterie), à raison de 20 % de la vente des bougies et de 20 % de la location de son patrimoine immobilier.

Avec ce deuxième rapport annuel, l’Église de Belgique installe dans la durée la publication des indicateurs de la foi, de la pratique et de l’engagement en son sein. Jouant la carte de la transparence dans un contexte qui ne lui est guère favorable, elle fournit aux sociologues des religions des données précieuses tout en présentant au grand public des facettes du monde catholique avec lesquelles il n’est pas forcément familiarisé. Le rapport a été établi à la demande de la Conférence épiscopale par Stéphane Nicolas et Jeroen Moens, en collaboration avec Catherine Chevalier (UCLouvain) et Wim Vandewiele (KULeuven). Il est consultable ici.

Caroline Sägesser (CRISP-ULB).

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