Jeudi 19 juin 2025

Résultats de la recherche pour : Anne Morelli

mardi, 09 octobre 2012 09:28

Revue de presse, 9 octobre

Allemagne

"Pas d’argent, pas de sacrement. Tel est le sens du décret publié fin septembre par les évêques allemands : les catholiques qui ne se seront pas acquittés de l’impôt religieux n’auront plus le droit de se marier, de devenir parrain, marraine ou d’être enterré selon leur foi" — Allemagne : L’Église rappelle ses contribuables à l’ordre (Fabien Trécourt, Le Monde des Religions)

Jérusalem

"Ils ont recommencé, dimanche 7 octobre : un petit groupe de juifs religieux, se mêlant aux touristes qui visitent l'esplanade des Mosquées, ont pénétré sur le Haram Al-Charif (le mont du Temple pour les juifs) et se sont couchés sur le sol pour y prier. La police est intervenue, arrêtant trois d'entre eux. Vendredi, à l'issue de la prière hebdomadaire à la mosquée Al-Aqsa, les policiers israéliens avaient utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants musulmans qui lançaient des pierres contre des juifs et des chrétiens aux cris de « Allah Akbar »" — A Jérusalem, les incursions de juifs religieux sur l'esplanade des Mosquées se multiplient (Laurent Zecchini, Le Monde)

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Ce 11 octobre 2012, l’Église catholique fêtera les cinquante ans de l’ouverture du Concile œcuménique Vatican II, qui réunit jusqu’au 8 décembre 1965 tous les évêques du monde afin de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour accomplir un aggiornamento, une mise à jour, tant de la parole de l’Église que de l’organisation intérieure de celle-ci. Il en résulta seize textes qui sont des directives pratiques tout autant que des décisions doctrinales du magistère de l’Église. Ces textes allaient profondément modifier la pastorale (l’annonce de la parole, la célébration des sacrements, l’encadrement des âmes, le gouvernement de la communauté) du demi-siècle à venir. Aujourd’hui, les nuées d’articles de presse comme les travaux scientifiques qui tentent de dresser un bilan de l’événement s’accordent pour dire que Vatican II marque le début d’une mutation profonde et toujours en cours.

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samedi, 06 octobre 2012 08:19

Revue de presse hebdo, 6 octobre

Science

Le dieu de la science, Albert Einstein, relativise l'existence de Dieu et de la religion dans une lettre écrite à un ami, un an avant sa mort, en 1954. "Le mot Dieu n'est, pour moi, rien d'autre que l'expression et le produit de la faiblesse humaine. (…) La Bible est une collection de légendes et de contes de fées, certes honorables mais primitives et infantiles", confiait le Prix Nobel de physique de 1921 au philosophe juif Erik Gutkind — La « Lettre à Dieu » d’Einstein vendue 3 millions de dollars sur eBay (Blog Big Browser, Le Monde)

Albert Einstein’s ‘God Letter’ To Be Auctioned On eBay With An Opening Bid of $3 Million. The letter was last sold in 2008, with big-name atheists such as author Richard Dawkins among bidders. In it, Einstein writes that the word ‘God’ is only a product of human weakness, and the Bible a collection of pretty childish legends (Huffington Post)

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vendredi, 05 octobre 2012 09:46

Revue de presse, 5 octobre

Bouddhisme

"Pour les spécialistes du bouddhisme, c’est un événement majeur : la Chine vient d’achever le catalogage des textes sacrés de Pattra, un ensemble de manuscrits vieux de quelque deux millénaires" — Bouddhisme : des manuscrits vieux de 2000 ans remis au goût du jour (Fabien Trécourt, Le Monde des Religions)

 

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mardi, 30 octobre 2012 06:38

La revanche des sorcières allemandes

Il y a quelques mois, le Conseil de la ville de Cologne a réhabilité la sorcière Katharina Henot, que ses prédécesseurs en droit avaient brûlée vive en mai 1627. D'autres villes et villages allemands s'apprêteraient à réexaminer d'autres cas de condamnations pour sorcellerie. Au-delà de son intérêt anecdotique pour les amateurs de frissons, particulièrement friands en cette saison d'Halloween, l'affaire Henot pose des questions plus profondes concernant le rapport aux pages douloureuses du passé, le travail de mémoire et les efforts de réconciliation au-delà des siècles.

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mercredi, 03 octobre 2012 09:42

Revue de presse, 3 octobre

Jérusalem

"Un graffiti en hébreu insultant Jésus a été inscrit mardi 2 octobre sur la porte d'entrée d'un monastère franciscain du mont Sion à Jérusalem, a indiqué la custodie de Terre sainte (l'ordre catholique des franciscains) sur son site, un mode opératoire rappelant de précédents incidents attribués à des extrémistes juifs" — Un monastère chrétien de Jérusalem tagué d'insultes à Jésus (AFP, Le Monde)

USA

"Le gouverneur de Californie, Jerry Brown, a signé dimanche une loi interdisant les "thérapies" visant à changer l'orientation sexuelle de mineurs homosexuels, pour les ramener dans le "droit chemin" de l'hétérosexualité. La Californie devient ainsi le premier Etat américain à bannir ces sessions. Les défenseurs des droits individuels américains les dénoncent de longue date comme un endoctrinement dangereux, essentiellement associé aux milieux évangéliques" — La Californie interdit les « thérapies de conversion » de jeunes homosexuels (Blog Big Browser, Le Monde)

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mardi, 02 octobre 2012 09:54

Revue de presse, 2 octobre

Tunisie

"Le cheikh de la prestigieuse mosquée Zitouna a décidé de rouvrir l'enseignement zeitounien, sans l'aval du ministère des Affaires religieuses" —  (Julie Schneider, Le Point)

USA

"A l'occasion de leur première mobilisation dans les locaux du Congrès, les athées, agnostiques et autres libres penseurs américains déplorent l'emprise de la religion sur la politique aux Etats-Unis" — Les laïques américains déplorent le poids de la religion sur la politique aux Etats-Unis (AFP, Le Monde)

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La franc-maçonnerie est dans les délires conspirationnistes la coalisation des forces du Mal, le point central d’où tout procède et où tout aboutit, synthèse du caractère polymorphe de l’ennemi. Selon l’Encyclique Humanum Genus : « Il existe dans le monde un certain nombre de sectes qui, bien qu’elles diffèrent les unes des autres par le nom, les rites, la forme, l’origine, se ressemblent et sont d’accord entre elles par l’analogie du but et des principes essentiels. En fait, elles sont identiques à la franc-maçonnerie, qui est pour toutes les autres comme le point central d’où elles procèdent et où elles aboutissent ».

Elle est la « mère de toutes les sociétés secrètes » écrira l’évêque québécois Laflèche. Le mal paraît protéiforme, mais en réalité ramène à la même essence diabolique, cumule tous les maux du passé ; la franc-maçonnerie est la synthèse de toutes les hérésies. Ce discours simplifie le réel : les ennemis sont assimilés les uns aux autres plutôt que différenciés. La Constitution Ecclesiam a Iesu Christo de 1821 avait ainsi élargi les griefs adressés à la franc-maçonnerie à toutes les sociétés clandestines, alimentant les amalgames qui suivront ; procéder par l’amalgame et l’analogie vise à laisser supposer le caractère d’universalité de la conspiration.

La franc-maçonnerie est certes une société homogène, armée d’un projet conspirateur. Mais elle est tout à la fois régie par un principe séparateur : cette société est hiérarchisée ; les grades inférieurs n’ont pas accès aux mystères ; les grades supérieurs manigancent des plans occultes que les premiers ignorent. Il y aurait donc plusieurs niveaux dans le complot : c’est la société secrète dans la société secrète : l’Encyclique Humanum Genus sanctionne, théologiquement, la thèse barruélienne des Supérieurs inconnus.

Il s’agit dès lors de dévoiler le vrai pouvoir caché derrière le pouvoir apparent ou, comme l’écrivait Mgr. de Ségur, de faire apparaître la maçonnerie secrète que cache la maçonnerie visible — d’où tout le jeu rhétorique entre l’ombre et la lumière, entre visible et invisible. On peut supposer que la théorie des mystères, des hauts grades opaques et des supérieurs inconnus est mobilisée du fait même que les ouvrages de révélation ont permis de se rendre compte que la franc-maçonnerie n’avait rien de bien épouvantable. Il faut donc en quelque sorte créer une autre franc-maçonnerie, bien plus redoutable, bien plus occulte — la franc-maçonnerie ordinaire n’est que l’antichambre de la véritable société secrète.

La thèse des supérieurs inconnus procède de l’idée d’un gouvernement occulte, tirant les ficelles économiques et politiques, œuvrant en secret à confisquer le pouvoir : cette idée traverse l’histoire politique de l’antimaçonnisme et des théories du complot et puise dans l’antimaçonnisme théologique depuis la Constitution Ecclesiam a Iesu Christo de 1821. Cette théorie implique qu’une vision providentielle de l’histoire soit remplacée par celle d’un plan réalisé par une minorité secrète. Au pouvoir de l’Église se substitue progressivement celui d’une force sociale active, insaisissable, qui agit rationnellement sur le cours de l’histoire, comme l’explique Pierre-André Taguieff.

C’est un double mouvement complotiste : tout à la fois, il tente de subvertir le pouvoir, et il est déjà dans le pouvoir ; il est le vrai pouvoir désormais — le gouvernement invisible —, et il convient donc de l’en déloger. Toujours selon l’Encyclique : « Dans l’espace d'un siècle et demi, la secte des francs-maçons a fait d'incroyables progrès. Employant à la fois l’audace et la ruse [ce sont les attributs du Malin], elle a envahi tous les rangs de la hiérarchie sociale et commence à prendre, au sein des États modernes, une puissance qui équivaut presque à la souveraineté ».

Avec les années 1860, en Allemagne puis en France, la rhétorique antimaçonnique va s’emparer de la thématique juive pour fustiger la conspiration antichrétienne à l’œuvre dans la modernité européenne. En faisant de la coalition des maçons et des juifs une instance intrinsèquement « complotrice », ce discours a redoutablement gagné en performance, peu de mythes ayant eu dans l’histoire une efficacité symbolique aussi forte.

L’ouvrage de Henri Gougenot des Mousseaux (Les Juifs, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens, 1869) a pour objectif de démontrer les liens organiques entre franc-maçonnerie et judaïsme, les juifs ayant pu grâce au relativisme religieux de l’ordre maçonnique investir la société chrétienne. Accentuant la logique de la thèse barruélienne, Gougenot des Mousseaux judaïse les supérieurs inconnus : le judaïsme serait donc le deus ex machina qui manipulerait la franc-maçonnerie à sa guise. Et Humanum Genus d’insister sur la perte de la souveraineté temporelle du Pape, le démembrement des territoires pontificaux étant souvent imputé aux juifs.

 Jean-Philippe Schreiber (ULB).


Orientation bibliographique :

P. Rajotte, Les mots du pouvoir ou le pouvoir des mots. Essai d'analyse des stratégies discursives ultramontaines au XIXe siècle, Montréal, Ed. de l’Hexagone, 1991.

P.-A. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, Paris, Berg, 1992.

En matière de théorie de la conspiration, le célèbre publiciste Édouard Drumont a définitivement conditionné le public en parlant systématiquement de « franc-maçonnerie juive ». La conjuration est en effet présentée, de plus en plus, non comme le fruit d’une alliance d’intérêts entre judaïsme et franc-maçonnerie, mais comme « un assujettissement total et aveugle des loges aux menées subversives » des juifs. Ce que le prédécesseur de Léon XIII, Pie IX, accréditait déjà symboliquement dans une encyclique de 1873, Etsi multa luctuosa, en assimilant la franc-maçonnerie à la Synagogue de Satan — une expression déjà utilisée en 1816, à propos de la maçonnerie, dans L’Esprit de la franc-maçonnerie dévoilé, et qui emprunte à Apocalypse 2-8.

Métaphore du lieu du secret des maçons et du lieu du pouvoir des juifs, la Synagogue de Satan sert de fil rouge à un discours où juifs et maçons sont visés comme vecteurs d’une œuvre diabolique de trahison de l’ordre social. Elle alimente ainsi cette rhétorique du secret, de l’obscur, du souterrain, du démoniaque, une vision crépusculaire du monde : c’est le combat du monde visible contre le monde invisible, le dévoilement du complot se faisant en sondant les ténèbres — Mgr. Meurin en fera le titre d’un de ses ouvrages (La Franc-Maçonnerie, Synagogue de Satan, 1893), qui connut une grande diffusion.

La théorie du plan de domination mondiale des juifs a été élaborée par l’abbé Chabauty (Les Juifs, nos maîtres, 1882) : leur stratégie de domination serait à l’œuvre depuis le Moyen Âge et ils détiendraient la clef du déclenchement des événements eschatologiques. Les deux cultures, antimaçonnique et antisémite, qui n’avaient jusqu’aux années soixante pratiquement rien de commun, vont désormais se nourrir l’une l’autre, tout en s’appauvrissant — le mythe sera fait de resucées, de synthèses, puis presque uniquement de slogans.

Elles diffuseront cette idée de pénétration, de subversion, de continuité démonologique. Les judéo-maçons seront considérés comme ayant été des vecteurs agissants de la perversion de la société chrétienne, au cours des âges, par l’influence de la tradition ésotérique de la Kabbale et du naturalisme, et par la dépravation des mœurs et la corruption morale — les convertis ayant été des agents de cette progressive inoculation au sein de la société chrétienne.

À chaque fois s’interpénètrent des fantasmes traditionnels de l’antijudaïsme chrétien et des thèmes nouveaux, mêlant ressentiment économique et ressentiment théologique. Il en est ainsi de la figure du judéo-maçon déicide et régicide à la fois, responsable du péché de la France de 1793 ; cette fois, l’ennemi historique conquiert le pouvoir par le biais de la finance et des sociétés secrètes.

Les juifs, accusés au Moyen Âge de voler le sang des chrétiens vident désormais le corps de la Nation de sa richesse — ils boivent littéralement son sang, se l’incorporent physiquement. La très vaticane Civiltà cattolica va donner un vernis d’autorité ecclésiastique à une accusation qui suscitait en général, paradoxalement, l’opprobre de la hiérarchie de l’Église au Moyen Âge. La théorie du complot antijudéomaçonnique ravive ainsi l’antijudaïsme médiéval et sa symbolique, alimente la démonologie nouvelle et fait le lien entre pratiques ésotériques, crime rituel et assassinat maçonnique.

L’engagement qui lie les francs-maçons à une puissance occulte tentant de se substituer à l’autorité légitime conduit le maçon, selon la lecture magistérielle, à commettre des crimes, à violer les lois humaines et divines, à exécuter sous peine de mort des ordres abominables — et ainsi s’opposer au droit naturel tel que le conçoit l’Église. La condamnation canonique du maçon légitime l’idée qu’il y a des crimes maçonniques : ils sont assimilés aux crimes attribués autrefois aux sorcières — empoisonnements, meurtres d’enfants, cannibalisme… — et imputés aux juifs depuis des siècles — sacrilège de l’eucharistie, profanations d’hosties ou meurtres rituels.

Mgr. de Ségur accusait ainsi les maçons, lors de messes diaboliques, de pratiques profanatrices autrefois attribuées aux juifs. Une partie de littérature antimaçonnique est aussi traversée par le mythe des assassinats maçonniques, prétendument autorisés par une lecture des rituels des hauts grades qui n’a pu prendre en compte sa dimension symbolique — d’où toutes les élucubrations sur le meurtre rituel comme réactualisation du meurtre historique du Jésus physique, par le judéo-maçon assassin, et du meurtre du Jésus spirituel par le judéo-maçon blasphémateur.

Le Pape Léon XIII produit dans l'encyclique Humanum Genus une historiosophie, une explication générale de l’histoire : le complot est la clé de l’histoire universelle, une histoire secrète mais paradoxalement transparente, celle de l’affrontement, au-delà de l’histoire contingente, entre Dieu et le Démon. Cette association supposée de la franc-maçonnerie avec le Diable a été formulée dès le début du XIXe siècle, mais en liaison avec son rôle politique supposé. Ce n’est qu’au milieu du siècle qu’une conception de la franc-maçonnerie comme principe diabolique caché s’autonomise et s’élabore dans le cadre du discours théologique antimaçonnique, chez Gougenot des Mousseaux, Mgr. de Ségur et Alex de Saint-Albin, qui affirme l’existence d’une Contre-Eglise luciférienne.

L’explication sataniste — toutes les forces révolutionnaires coalisées depuis près d’un siècle ont composé le corps sacerdotal de Satan — sera sanctionnée théologiquement par Humanum Genus : dès lors qu’il est l’œuvre du démon, le complot est universel, totalisant, il est un contre-projet de société. C’est une vision eschatologique : Dieu est exonéré de la responsabilité du mal qui frappe le monde ; ce mal est imputable à ceux qui s’acharnent à l’imposer, à savoir Satan et ses valets. L’Église, depuis le XIIe siècle, a construit une sotériologie où la figure répulsive du Diable a occupé une place de plus en plus importante — un diable qui devient, plus qu’un antagoniste de Dieu, le rival par excellence de celui-ci.

La figure de Satan revient à la fin du XIXe siècle — au moment où la culture catholique regorge à nouveau de surnaturel —, non pas sous une forme sécularisée, mais incarnée cette fois dans un mythe politico-religieux, l’hérésie maçonnique, et une rhétorique démonologique. Car Satan est l’ennemi le plus puissant de Dieu, l’antitheos, le Contre-Dieu par excellence, le principe du Mal qui répond antithétiquement au principe du Bien, de sorte que la franc-maçonnerie devient par métonymie la Contre-Église, la contrefaçon de celle-ci.

Humanum Genus développe une vision anxiogène du monde, une pensée paranoïde qui généralise le soupçon. Elle entend répondre aux angoisses et offrir de l’intelligibilité : elle nie ce qui n’est pas intentionnel, parce que tout s’explique par une intention cachée et maligne. Cette intention ne peut qu’être inspirée par le diable, et voit à l’œuvre des entités abstraites, invisibles, insaisissables : le maçon et le juif — qui n’est pas cité nommément dans l’Encyclique, au contraire de la littérature vaticane qui s’en inspire et la prolonge, mais qui y transparaît très clairement.

L’hostilité obsessionnelle envers les juifs adversaires de la vraie religion, reportée sur les francs-maçons, permet de dynamiser la stigmatisation, sans innovation rhétorique réelle. On associe l’hérétique au déicide, ce qui le condamne définitivement, sans possibilité de rémission. On voit là se cristalliser tous les fantasmes sociaux d’un christianisme refoulé et désemparé devant le dilemme de l’acceptation du monde moderne. Ainsi, la réactivation des peurs médiévales à l’égard des juifs (peurs biologiques, assimilation au diable), l’interprétation faussée des rites — qui se joue de l’apparente parenté symbolique entre judaïsme et franc-maçonnerie —, le lexique dévoyé (sabbat, synagogue…) sont mobilisés pour amalgamer judaïsme et maçonnerie.

L’analogie n’aura que plus d’efficacité si l’on brouille les représentations des juifs et des maçons en les assimilant les uns aux autres, par une désignation synthétique de l’adversaire : ils sont les figures diverses d’une essence commune — la continuité de la conspiration — et les ordonnateurs du vrai pouvoir. À l’image du Diable, la maçonnerie et les juifs sont partout, polymorphes, et apparaissent sous différents masques : ils sont tout à la fois considérés comme hérétiques par excellence, car déjouant le plan divin, et misoxéniques, car visant à la ruine du genre humain.

En définitive, même s’il faut se garder de voir l’antimaçonnisme comme un système de pensée structuré et cohérent, il a cette caractéristique de contenir en germe l’essentiel du discours sur la conspiration qui se propagera au XXe siècle et d’avoir permis de séculariser des arguments théologiques ou apologétiques — le complot contre la Vérité, la doctrine secrète et l’hérésie, la Révolution contre l’eschatologie, le mensonge diabolique — qui ont contribué à donner à la théorie du complot une force performative peu ordinaire.

Jean-Philippe Schreiber (ULB).


Orientation bibliographique :

D. Biale, Le sang et la foi. Circulation d’un symbole entre juifs et chrétiens, Montrouge, Bayard, 2009.

Le Diable, Colloque de Cerisy, Paris, Dervy, 1998.

vendredi, 21 septembre 2012 09:55

Revue de presse, 21 septembre

Arabie Saoudite

"Comment permettre aux femmes de travailler dans un pays qui applique la charia ? En créant des lieux de travail qui leur sont réservés. À l’initiative d’entrepreneuses, des quartiers d’affaires pour femmes vont être créés en Arabie saoudite. Le premier devrait voir le jour à Al-Asha d’ici à l’été 2013" — L’Arabie saoudite crée des quartiers d’affaires pour femmes (Ingrid Falquy, La Croix)

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