Samedi 21 juin 2025

Résultats de la recherche pour : Dominique Avon

dimanche, 27 mai 2012 06:42

Revue de presse hebdo, 26-28 mai

Mauritanie

Le gouvernement de la République islamique de Mauritanie a décidé, jeudi 24 mai, de mettre en place un Haut conseil de la fatwa et des recours gracieux (HCFRG). Il sera chargé d’émettre des avis juridiques religieux, dans le respect du rite malékite. C’est ce qu’indique un communiqué officiel publié par l’Agence de presse mauritanienne en ligne, Agence Nouakchott Information (ANI) — Mauritanie : Le gouvernement décide de créer un Haut conseil de la fatwa (APIC)

Mali

Les Touaregs laïcs et le groupe islamiste Ansar Dine ont fusionné et décrété la création de «l'État islamique de l'Azawad». Les autorités de transition de Bamako semblent impuissantes, alors qu'une catastrophe humanitaire menace la région — Nord-Mali : la rébellion crée un État islamique (Le Figaro)

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dimanche, 06 mai 2012 13:33

Revue de presse hebdo, 6 mai

Indonésie

Jusque-là, les citoyens indonésiens devaient se réclamer d'une des six religions officiellement reconnues par la Constitution. Un choix qui apparaissait sur leur carte d'identité. Cette démarche ne sera plus obligatoire lors de l'établissement des nouvelles cartes électroniques, car il sera désormais possible de laisser la case religion en blanc — Les cartes d'identité s'ouvrent au pluralisme religieux (Le Courrier International)

Australie

Constitutional ambiguity has allowed religion an excessive influence in schools, and Australia is not alone in this respect — Australia's blurred separation between Church and State (Katherine Stewart, The Guardian)

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vendredi, 04 mai 2012 10:06

Revue de presse, 4 mai

Egypte

"Le campagne en vue de l'élection présidentielle égyptienne s'est officiellement ouverte lundi 30 avril. Elle prendra fin le 21 mai. Le premier tour du scrutin se jouera les 23 et 24 mai et le second les 16 et 17 juin. Le successeur de Hosni Moubarak sera officiellement désigné le 21 juin. Sur les 23 dossiers de candidatures soumis à la commission électorale, dix ont été rejetés, dont ceux de trois personnalités controversées..." — Le casting de la présidentielle (Christophe Ayad, Benjamin Barthe et Claire Talon, Blog L'Egypte à l'heure du choix, Le Monde)

USA

"Ric a trouvé plus extrémiste que lui. Le très néoconservateur Richard Grenell, qui avait été nommé il y a deux semaines porte-parole du candidat républicain Mitt Romney pour la politique étrangère, a dû démissionner mardi 1er mai sous la pression des ultra-conservateurs chrétiens. Il était homosexuel et ne s'en cachait pas" — Sous la pression des ultraconservateurs, Mitt Romney se sépare d'un conseiller gay (Corine Lesnes, Le Monde)

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lundi, 30 avril 2012 09:35

Revue de presse, 30 avril

Nigéria

"Des hommes armés ont attaqué dimanche matin un lieu de réunion de la communauté chrétienne à Kano, dans le nord du Nigeria, a annoncé un porte-parole de l'armée. Des explosions et des fusillades ont éclaté dans l'un des amphithéâtres de l'université utilisé par les chrétiens pour se rassembler" — Plusieurs morts lors d'attaques contre des messes dans le nord du Nigeria (AFP et AP, Le Monde)

"Une explosion et des tirs ont fait au moins vingt morts dimanche 29 avril à Kano, dans le nord du Nigeria, dont la population est en majorité musulmane. L’attaque a pris pour cibles deux services religieux chrétiens qui se déroulaient en plein air dans l’enceinte de l’université de cette ville de 3,6 millions d’habitants, parmi les plus peuplées du pays" — Dimanche endeuillé pour les chrétiens du Nigeria (Marianne Meunier, La Croix)

"Environ vingt personnes ont été tuées lors d'un service religieux chrétien au Nigéria dimanche matin. Au Kenya, une attaque à la grenade contre une église à Nairobi a fait un mort et 15 blessés" — Les islamistes persécutent les chrétiens au Nigeria et au Kenya (Le Vif.be avec L'Express.fr)

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vendredi, 06 avril 2012 09:35

Revue de presse, 6 avril

Philippines

"Comme chaque année, plusieurs catholiques aux Philippines ont été cloués sur des croix et d'autres se sont flagellés, une dévotion poussée à l'extrême dans ce pays lors des traditionnelles cérémonies du Vendredi saint" -(AFP, Le Point)

Tunisie

"Des blogueurs tunisiens ont récemment révélé que deux jeunes diplômés au chômage ont été condamnés à la fin de mars à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur Facebook des caricatures de Mahomet. Il s'agit d'une peine sans précédent dans les affaires d'atteinte à la morale et au sacré, qui se multiplient en Tunisie depuis la révolution et l'arrivée au pouvoir des islamistes" - Sept ans de prison pour avoir posté des caricatures du prophète sur Facebook (AFP, Le Monde)

"On est en train de bâtir une Tunisie pour tous les Tunisiens. Il faut donc parvenir à une formulation qui convienne à tout le monde."Mabrouka M’Barek fait partie des 132 députés (sur les 217 que compte l’Assemblée nationale constituante) chargés de déblayer le terrain de la nouvelle Constitution tunisienne" - La Tunisie à petits pas vers la démocratie (Vincent Braun, La Libre Belgique)

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lundi, 02 avril 2012 09:37

Revue de presse, 2 avril

Egypte

"L'Église copte orthodoxe d'Égypte a décidé de boycotter la commission chargée de rédiger la future Constitution, composée à majorité d'islamistes, rejoignant les partis laïques et l'institution sunnite d'Al-Azhar qui ont déjà annoncé leur retrait, a-t-on appris lundi" -(AFP, Le Point)

"Ironie du sort, c'était une promesse de Khairat el-Shater lui-même, formulée en avril 2011, quelques semaines après la révolution de janvier, pour rassurer les Égyptiens et au-delà les puissances occidentales: les Frères musulmans, respectueux de l'équilibre des pouvoirs démocratiques, ne présenteront pas de candidat à la présidentielle" - Les Frères musulmans visent la présidence égyptienne (Marion Guénard, Le Figaro)

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Aussi longtemps que le monde occidental restera de manière exclusive dominé par les valeurs et l’imaginaire chrétiens, les déchirements qu’on vient de dire resteront la source de la discrimination haineuse, voire de la démonisation des Juifs.

Les Croisades : les Infidèles sous la main

Celle-ci se traduit concrètement de diverses manières. Phénomène mystico-politique, les Croisades, qui visent à partir de la fin du XIe siècle à « libérer des mains des païens [les musulmans] le tombeau du Christ » par la voie militaire, sont l’occasion de pogroms qui déciment les communautés juives (par exemple 800 morts à Worms, 700 à Mayence, plusieurs milliers de morts à Prague en 1096, dans le cadre de la Première Croisade ; plus de 120 communautés juives disparaissent dans le Midi de la France lors de la « Croisade des Pastoureaux » en 1320). L’argument des tueurs : nous allons combattre les « ennemis de Dieu » (musulmans) en Terre sainte ; or nous en avons de bien pires sous la main, les Juifs. Tant pour des raisons d’ordre public que pour celles d’ordre idéologique décrites ci-dessus et d’ordre économique sur lesquelles nous reviendrons, les autorités religieuses, le plus souvent, condamnent et s’opposent, abritent à l’occasion des Juifs. Le peuple, lui, ne veut rien entendre.

L’obsession du sang

D’autant plus que les clercs, paradoxalement, l’abreuvent de légendes calomnieuses. La pire : l’accusation de « meurtre rituel ». Les Juifs crucifieraient des enfants chrétiens ou les tueraient pour obtenir leur sang, nécessaire à la célébration de leurs fêtes religieuses. Ces rumeurs entraînent des réactions populaires violentes : par exemple, en 1171, les 38 Juifs de Blois sont condamnés au bûcher ; en 1191, une centaine de Juifs est exterminée à Bray-sur-Seine ; 34 Juifs sont égorgés à Fulda en 1235. Là encore, des autorités – tant civiles que religieuses – font souvent valoir le caractère délirant des accusations et l’absence totale de preuves. N’empêche. À la fin du XIXe siècle, les antisémites professionnels avaient établi une liste de 154 cas « attestés » d’assassinats pour raisons religieuses…

Des démons, coupables de la peste…

On accuse également les Juifs de profaner les hosties (à Bruxelles, en 1370, la communauté juive est anéantie suite à une accusation de ce type – comme en témoigne la chapelle du Sacrement du Miracle à la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule), d’empoisonner les puits (de connivence avec les lépreux), de mettre en place un plan universel de destruction des chrétiens (voir plus loin). La Peste noire (1347-1349) extermine un tiers de la population européenne : on en rend les Juifs coupables (2.000 d’entre eux sont brûlés à Strasbourg en 1348). C’est un cas manifeste où les Juifs servent de « boucs émissaires » : on les charge d’un mal qu’on ne peut s’expliquer pour les expulser ou s’en défaire et en « purifier » le groupe dominant.

On n’envoie d’ailleurs pas que des hommes au bûcher. En 1242, à Paris, au terme d’une « disputation » orageuse entre prêtres et rabbins, on brûle, avec l’accord de Louis IX, roi de France et futur saint Louis, vingt-quatre charrettes chargées de volumes du Talmud, accusé de contenir des attaques contre la foi chrétienne. On délire sur le Juif comme sur les sorcières : il porterait des cornes, dégagerait une odeur pestilentielle et dissimulerait soigneusement ses pieds fourchus... Les médecins juifs, très nombreux (et par ailleurs appréciés pour leur savoir…) sont fréquemment accusés de collusion avec le Diable.

Suspects même après le baptême

La haine la plus radicale ira jusqu’à suspecter un Juif, même converti, de rester d’abord un Juif : si, en bonne théologie, le baptême est une nouvelle naissance, la haine suspecte la pérennité du caractère juif et glisse rapidement vers une interprétation quasi raciale de la judéité qui préfigure les obsessions de la modernité. Ainsi, dans l’Espagne qui achève de se libérer de l’emprise musulmane (après 1492), on impose aux Juifs (et aux musulmans) de se convertir ou de quitter le territoire. Unifications politique et linguistique vont de pair avec l’unification religieuse.

Une logique se met en place, qui prévaudra en Europe jusqu’à l’ère des Révolutions : le sujet est tenu d’adhérer à la religion de son roi (« Cuius regio, illius religio »). Mais, en Espagne et dans son empire outre-Atlantique, les convertis restent suspects de « marranisme » (de rester secrètement Juifs, donc d’hypocrisie religieuse) et l’on impose aux candidats à diverses fonctions publiques de faire la preuve de leur limpieza de sangre (pureté de sang). On notera ici que l’Inquisition (tribunal ecclésiastique créé au XIIIe siècle pour lutter contre les Cathares et chargé de veiller au respect de l’orthodoxie catholique) n’a jamais poursuivi les Juifs comme tels, ce qui aurait été un non-sens, mais seulement – et avec quelle fermeté ! – ceux d’entre eux qui, précisément, étant publiquement convertis, étaient suspectés de pratiquer en secret leur foi ancestrale.

Deux Réformes qui ne changent pas l’image des Juifs

Au XVIe siècle, la Réforme a vis-à-vis des Juifs une attitude ambiguë. En révolte contre l’Église catholique en tant qu’institution médiatrice du salut, les Protestants privilégient la lecture directe de la Bible dans une relation personnelle à Dieu et, du coup, comprennent mieux les Juifs. Mais l’attitude de Martin Luther est caractéristique du malaise persistant. Il commence, en 1523, par dénoncer l’ignominie des « papistes », qui ont méprisé « les cousins et les frères de Notre-Seigneur » et prône l’« amour chrétien » à leur égard. En 1542, n’ayant pas réussi à les convertir, il les agonit d’injures dans les termes les plus orduriers. La Contre-Réforme catholique, menée par le Concile de Trente (entre 1545 et 1563), ne fera rien pour sa part en vue d’améliorer chez les fidèles de l’Église romaine l’image des Juifs.

Économiquement nécessaires… et haïs

Outre ces données idéologiques, il faut rappeler la ségrégation économique que connaissent les Juifs. Commerçants habiles, parlant des langues que les chrétiens ignorent, entretenant des relations internationales, les Juifs suscitent l’envie. On se sert d’eux en les haïssant. Le droit de l’Église (comme celui de l’islam d’ailleurs) interdit le prêt à intérêt aux chrétiens : les Juifs se spécialisent donc par nécessité dans le commerce de l’argent et fournissent les crédits dont l’économie a besoin. Quitte à ce que des débiteurs n’hésitent pas à user de violence (confiscation et expulsion) pour ne pas s’acquitter de leur dette… C’est notamment le cas des rois, au point qu’on a pu dire que l’art de pressurer les Juifs était devenu une institution, en tout cas une ressource régulière de la royauté.

Les Juifs ne peuvent par ailleurs posséder des terres. Ils ont donc tendance à se spécialiser dans des métiers (joaillerie, orfèvrerie, pelleterie) où l’on peut déplacer facilement son capital en cas d’urgence. De cette situation imposée naît l’image du Juif usurier, déraciné dans une société essentiellement fondée sur la richesse foncière, incapable de manier l’épée (comme le noble) ou la charrue (comme le paysan), mais vivant aux crochets du monde environnant et prêt, comme le Judas des évangiles, à trahir son maître pour trente deniers.

Ségrégation

Les Juifs sont donc contraints de vivre à part. Depuis 1215 (Concile de Latran), ils doivent un temps porter la « rouelle » (insigne d’étoffe jaune). De multiples pratiques vexatoires et odieuses leur sont imposées, qui varient selon les lieux et les temps. Ils sont exposés à l’expulsion (d’Angleterre en 1290 ; de France en 1306 – ce sont quelque 100.000 Juifs qui partent pour l’exil, qui sera réitéré en 1394 ; d’Espagne en 1492 – voir plus haut – ; du Portugal en 1497). Même là où ils sont tolérés, ils se retrouvent regroupés dans un quartier juif spécifique (nommé selon les pays ghetto, Judenviertel, judería…) qui, s’il les sépare des non-Juifs et les isole en les désignant comme des hors-caste, permet il est vrai également aux communautés de se perpétuer dans le respect de leurs traditions.

C’est à cette époque que prend forme le mythe du Juif errant (the Wandering Jew, der Ewige Jude), Ahasvérus, condamné à parcourir éternellement le monde sans trouver de lieu où s’établir enfin…  

La loi au service de la haine

Présente dans certains esprits, active dans la pratique sociale, la hargne antisémite n’a jamais manqué au cours de l’histoire de se donner des formes juridiques normatives, formant un corps de dispositions plus ou moins cohérent.

Le droit canon de l’Église catholique témoigne d’une riche inventivité en matière de mesures contre les Juifs :

-       Dès 306, le Synode d’Elvira interdit les relations sexuelles (et a fortiori le mariage) et la commensalité avec les chrétiens.

-       Celui de Clermont en 535 exclut les Juifs de toute fonction publique.

-       Celui d’Orléans en 538 leur interdit d’avoir des serviteurs chrétiens et de paraître dans les rues pendant la Semaine sainte.

-       Celui de Trulanic en 692 fait défense aux chrétiens d’avoir recours à des médecins juifs.

-       Celui de Narbonne en 1050 leur interdit de vivre dans des familles juives.

-       Depuis le 3e Concile du Latran (1179), les Juifs ne peuvent porter plainte ou témoigner en justice contre des chrétiens, et depuis le 4e (1215), ils sont stigmatisés dans leur vêtement.

-       Le concile d’Oxford (1222) leur interdit de construire de nouvelles synagogues.

-       Le synode de Breslau (1267) instaure le ghetto obligatoire.

-       Celui d’Ofen (1279) interdit aux chrétiens de vendre ou de louer aux Juifs des biens immobiliers.

-       Celui de Mayence (1310) interdit au chrétien la conversion au judaïsme et au Juif converti le retour au judaïsme.

-       Le concile de Bâle (1434) interdit aux Juifs de servir d’intermédiaires dans la conclusion de contrats (notamment de mariage) entre chrétiens et proscrit de leur décerner des titres universitaires.

L’État n’est pas en reste.

-       Louis le Bavarois (1328-1337) impose aux Juifs une taxe de protection per capita.

-       Arguant que « les Juifs et leurs possessions appartiennent à la Chambre impériale », un code du XIVe siècle attribue à la collectivité les biens d’un Juif tué dans une ville allemande.

-       À Nuremberg, à la fin du XIVe siècle, le droit entérine la confiscation des créances détenues par les Juifs sur des chrétiens.

-       À Rome, en 1555, ce sont les Juifs eux-mêmes qui doivent financer la construction du mur d’enceinte du ghetto.

-       À Francfort, au XVIIIe siècle, les maisons des Juifs sont marquées et leurs déplacements limités.

-       Lorsque le futur philosophe et penseur des Lumières Moïse Mendelsohn (1729-1786) arrive adolescent à Berlin, capitale de la Prusse alors régentée par Frédéric II, il doit, comme tous ses coreligionnaires, y pénétrer par la Porte de Rosenthal, réservée « au bétail et aux Juifs ».

Jacques Déom (ULB).

Publié dans L'antisémitisme

L’avènement du régime national-socialiste (nazi) en Allemagne en janvier 1933 va marquer une culmination sans précédent dans l’histoire de l’antisémitisme. Nationalisme outrancier, revanchardisme au lendemain de la défaite allemande de 1918, menaces de révolution sur le mode bolchevique, crise économique dramatique (1929), faiblesse des institutions démocratiques de la République de Weimar, ce sont là autant de facteurs qui vont permettre l’arrivée à la tête de l’État allemand d’un régime d’extrême droite gravitant autour de la personne du « Führer » Adolf Hitler.

La « race pure » et les « sous-hommes »

Dès 1924, dans son indigeste Mein Kampf, Hitler avait exposé ses haines. Celle des Juifs y tient une place centrale et proprement pathologique. On a là comme l’esquisse d’un programme qu’il finira par mettre à exécution. Les Juifs sont responsables de tous les malheurs de l’Allemagne. Ils sont cause de la boucherie que fut la Première Guerre mondiale. Ils ont porté ce « coup de poignard dans le dos » qui a valu la défaite à l’Allemagne. Ligués au niveau mondial, infiltrés partout, ils détruisent et souillent tout ce qu’ils touchent. Ce ne sont que des « sous-hommes », appartenant à une race odieuse. Au fait, ils ne sont pas vraiment humains : il faut les détruire comme les « virus » qu’ils sont.

Toute la faiblesse de l’Occident, sa décadence, vient de la morale d’esclaves du christianisme, qui n’est qu’une invention des Juifs, ces étrangers absolus, ces déracinés qui, insinués dans la vie moderne, la dévorent de l’intérieur, en sapent sans cesse la vitalité par leur esprit maladivement critique et débilitant, tout en en tirant cyniquement tous les avantages. Or, la vraie « vie », c’est la guerre. Le « surhomme » nazi, sommet de la « race pure », a pour idéal la lutte à mort qui verra l’élimination des inférieurs et la domination de l’homme « aryen » sur un espace vital (« Lebensraum ») élargi, organisé en fonction de la devise « Ein Volk, ein Reich, ein Führer » (« Un peuple, un empire, un chef »). Le parti nazi sera jusqu’au bout animé par cette idéologie, qui combine à un degré délirant toute une série d’ingrédients que nous avons relevés comme constitutifs du « racisme » moderne.

Condamné à mort parce que juif

L’essentiel est pourtant ailleurs : le nazisme est bien plus qu’un antisémitisme porté à incandescence. L’élément caractéristique central de l’antisémitisme nazi est qu’il va mettre la puissance d’un des États rationnellement et technologiquement les plus avancés du monde (c’est la patrie du Juif Albert Einstein…) au service d’un projet d’extermination méthodique et quasi industrielle du peuple juif (et des malades mentaux, des Tziganes et des homosexuels ; d’autres exterminations furent envisagées : celles des Slaves, par exemple). Celui-ci, contenu en germe dans les délires de Mein Kampf, prendra progressivement forme et ne se verra ultimement ruiné que par la destruction de l’Allemagne hitlérienne au terme de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945).

Si l’antijudaïsme chrétien cherche à convertir le Juif, si l’antisémitisme classique travaille à l’exclure, le nazisme lui dénie le droit à l’existence. Il veut le détruire parce que juif : hommes, femmes, enfants, riches et pauvres, capitalistes et communistes, anciens combattants médaillés de 1914-1918, savants et illettrés, bons et moins bons, jeunes et vieux. Seul compte dans une personne le fait qu’elle appartienne à la « race » porteuse de toutes les tares : ce qu’elle a fait ou n’a pas fait, ce qu’elle pense, ce qu’elle veut est sans importance. Le Juif est condamné à mort parce que Juif.

Le génocide, phase ultime d’une logique de la haine

Réfléchissant à la logique qui présidait depuis des siècles à la volonté de ségrégation des Juifs par la société dominante, le grand historien de la Shoah, Raul Hilberg, a ainsi résumé en quelques phrases les étapes qui scandent ce développement vers l’irrémédiable. « Vous ne pouvez pas vivre parmi nous comme juifs » (vous devez vous convertir), soutenait le discours chrétien. L’antisémitisme moderne rêve pour sa part d’exclusion : « Vous ne pouvez pas vivre parmi nous » (vous devez émigrer, de gré ou de force). Les nazis, eux, parviennent au définitif « Vous ne pouvez pas vivre ».

De la ségrégation à l’expulsion

L’ampleur de cette entreprise d’extermination n’apparaît pas d’emblée. C’est dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale (« voulue par les Juifs », selon Hitler qui, comme tous les paranoïaques, projette sur autrui sa propre agressivité) qu’elle se dévoilera. Dès les débuts du régime en Allemagne, les mesures restrictives et vexatoires apparaissent. En avril 1933, boycott des firmes juives, renvoi des fonctionnaires juifs de l’administration, exclusion des Juifs des hautes écoles. Le 10 mai 1933, on brûle à Berlin les livres dus à des Juifs et autres ennemis supposés du régime (Kafka, Einstein…). À l’été 1935, les lieux publics (cafés, cinémas…) affichent « Interdit aux Juifs ». À la fin de l’année 1935, les lois de Nuremberg sont votées : elles privent les Juifs de leur citoyenneté allemande dans leur propre pays et interdisent les mariages entre « races » (une législation fort complexe est mise en place pour définir qui est juif et à quel degré : « demi-Juif », « quart de Juif », etc.).

Quand, en mars 1938, l’Allemagne envahit et annexe l’Autriche (Anschluss), elle y introduit immédiatement les lois raciales (il en ira ultérieurement de même dans tous les pays occupés). Celles-ci ont pour but de couper les Juifs de tout ancrage économique, social, politique ou psychologique dans leur propre pays. Pestiférés et vilipendés, ils se retrouvent ainsi à la merci du régime. Mais à ce stade, et si pénible qu’il s’avère, l’exil (conséquence d’une logique de l’expulsion) reste possible et nombre de Juifs entreprennent de fuir vers d’autres pays d’Europe ou vers le Nouveau Monde.

Alors que l’on sent venir la guerre, la pression devient insupportable. Le 9 novembre 1938, éclate en Allemagne la « Nuit de Cristal » (Kristallnacht) : une centaine de personnes sont tuées, autant de synagogues incendiées, des milliers de magasins juifs pillés. En Allemagne, le 12 novembre 1939, 26.000 Juifs sont envoyés en camp de concentration (des camps de concentration – c’est-à-dire d’internement –, tels Dachau et Buchenwald, ont été ouverts pour les opposants au régime dès l’accession des nazis au pouvoir) ; deux jours plus tard, les enfants juifs sont exclus des écoles ; le 13 décembre, un décret d’« aryanisation » met un terme à toute activité commerciale ou industrielle des Juifs.

De l’expulsion à l’assassinat

Avec l’invasion de la Pologne (1er septembre 1939), la Seconde Guerre mondiale commence. L’Europe est mise à genoux par la foudroyante avancée militaire allemande. La Belgique est envahie en mai 1940 ; la France s’effondre ; l’Angleterre est menacée… L’irrésistible élan militaire du Reich finit pourtant par être stoppé et c’est à ce moment que, significativement, le pire commence pour les Juifs. Alors que l’expansion nazie rencontre militairement ses limites sur le front de l’Est (bataille de Stalingrad, août 1942-février 1943), la logique d’expulsion fait décidément place à celle de l’extermination.

Les nazis ont en effet introduit la politique antisémite dans les pays occupés : étouffement socio-économique méthodique, stigmatisation par le port de l’étoile jaune, interdiction de déplacement, etc. En Belgique, une série d’ordonnances à cet effet sont publiées à partir de fin 1940. À l’Ouest, la brutalité des mesures antijuives est souvent tempérée d’une part par la volonté nazie de ne pas heurter de front l’opinion publique et les autorités politiques des pays occupés, de l’autre par le besoin de dissimuler aux victimes la véritable nature du « travail à l’Est » pour lequel on les réquisitionne. À l’Est (Pays baltes, Pologne, Union soviétique…), les nazis ne mettent pas ces gants. Les Juifs meurent de privations et de maladie dans les ghettos où ils ont été enfermés (Łódź, Varsovie…).

Jacques Déom (ULB).

Publié dans L'antisémitisme

Études

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(Coll.) L’antisémitisme après la Shoah, Espace de libertés – La pensée et les hommes, Bruxelles, 2003.

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(Coll.) Judaïsme, christianisme, islam. Le judaïsme entre « théologie de la substitution » et « théologie de la falsification », Actes du Colloque tenu à l’Institut d’Études du Judaïsme (ULB) les 23, 24 et 25 septembre 2008, Didier Devillez – Institut d’Études du Judaïsme, Bruxelles, 2010.

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Taguieff (Pierre-André), Les Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d’un faux, 2e éd., Berg International – Fayard, Paris, 2004 ; La nouvelle judéophobie, Fayard – Les Mille et une nuits, Paris, 2002 ; La judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Odile Jacob, Paris, 2008 ; La nouvelle propagande antijuive. Du symbole al-Dura aux rumeurs de Gaza, Presses Universitaires de France, Paris, 2010.

Traverso (Enzo), Pour une critique de la barbarie moderne. Ecrits sur l’histoire des Juifs et de l’antisémitisme, Page Deux, Lausanne, 1997.

Weinstock (Nathan), Histoire de chiens. La dhimmitude dans le conflit israélo-palestinien, Les Mille et une nuits, Paris, 2004.

Wieviorka (Annette), Auschwitz expliqué à ma fille, Le Seuil, Paris, 1999.

Wieviorka (Michel), La tentation antisémite. Haine des Juifs dans la France d’aujourd’hui, Laffont, Paris, 2005.

Belgique

(Coll.), Mecheln-Auschwitz 1942-1944. De vernietiging van de Joden en Zigeuners van België. La destruction des Juifs et des Tsiganes de Belgique. The destruction of Jews and Gypsies from Belgium, 4 vol. VUBpress, 2009.

Abramowicz (Manuel), « Le racisme organisé au cœur de l’histoire politique belge », http://www.resistances.be/racorg.html

Dickschen (Barbara), L’école en sursis. La scolarisation des enfants juifs pendant la guerre, Didier Devillez, Bruxelles, 2006.

Kotek (Joël), « La Belgique, Israël et les Juifs. La judéophobie comme code culturel et métaphore politique ? », La pensée et les hommes, n° 53, 2003, pp. 117-157.

Rozenblum (Thierry), Une cité si ardente… Les Juifs de Liège sous l’Occupation (1940-1944), Luc Pire, Bruxelles, 2010.

Steinberg (Maxime), L’Étoile et le fusil. T.1. La question juive 1940-1942, Vie ouvrière, Bruxelles, 1983 ; T.2 1942 Les cent jours de la déportation des Juifs de Belgique, Vie ouvrière, Bruxelles, 1984 ; T.3 (en 2 vol.) La traque des Juifs 1942-1944, Vie ouvrière, Bruxelles, 1986 ; Un pays occupé et ses Juifs. Belgique entre France et Pays-Bas, Quorum, Bruxelles, 1998 ; La persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Complexe, Bruxelles, 2004.

Teitelbaum (Viviane), Salomon, vous êtes juif !? L'antisémitisme en Belgique, du Moyen Âge à Internet, Luc Pire, Bruxelles, 2008.

Quelques témoignages sur la Shoah

Coquio (Catherine) – Aurélia Kalisky (éds.), L’enfant et le génocide. Témoignages sur l’enfance pendant la Shoah, coll. Bouquins, Robert Laffont, Paris, 2007.

Goldberg (André) – Dominique Rozenberg – Yannis Thanassekos, Le passage du témoin. Portraits et témoignages de rescapés des camps de concentration et d’extermination nazis, Ante Post, Bruxelles, 1995.

Mesnard (Philippe, éd.), Des voix sous la cendre. Manuscrits des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau, Le Livre de Poche, Paris, 2006.

Ringelblum (Emmanuel), Chronique du ghetto de Varsovie, Payot, Paris, 1995 ; Archives clandestines du ghetto de Varsovie. Vol. 1 Lettres de l’anéantissement ; Vol. 2 Les enfants et l’enseignement, Fayard, Paris, 2007.

Seidman (Hillel), Du fond de l’abîme. Journal du ghetto de Varsovie, coll. Terre humaine, Pocket, Paris, 2002.

Photographies

Klarsfeld (Serge) – Marcello Pezzetti – Sabine Zeitoun (éds.), L’Album d’Auschwitz, Al Dante – Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Paris, 2005.

DVD

Jaubert (Alain), Auschwitz. L’album, la mémoire, Éditions Montparnasse, Paris, 2005 (avec des documents des archives filmées américaines).

Lanneau (Hugues), Modus operandi, Les Films de la Mémoire, Bruxelles, 2007.

Lanzmann (Claude), Shoah, Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Paris, 2002 (coffret DVD et texte).

Rossif (Frédéric), De Nuremberg à Nuremberg, Éditions Montparnasse, Paris, 2004.

Publié dans L'antisémitisme
mardi, 27 mars 2012 10:41

Revue de presse, 27 mars

Tunisie

"Le parti islamiste Ennahda, qui domine l'Assemblée nationale constituante (ANC), en Tunisie, a annoncé, lundi 26 mars, son soutien au maintien de l'article premier de la Constitution de 1956, qui suscite des tiraillements politiques entre modernistes et islamistes. Cette décision va à l'encontre des demandes formulées par les islamistes pour que la charia (la loi islamique) soit reconnue comme source principale de la législation dans la nouvelle Constitution du pays" - Ennahda contre l'inscription de la charia dans la Constitution tunisienne (AFP et AP, Le Monde)

USA

"Pour la première fois aux Etats Unis, un évêque catholique comparaît devant la justice pour avoir couvert des prêtres pédophiles. Son procès s’est ouvert le 26 mars. Il risque 14 ans de prison" - Pédophilie: un évêque américain dans la tourmente (P. G., Catho.be)

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