"Abdallah Djaballah, président fondateur du Front de la justice et du développement, dénonce la "mascarade" des législatives" — Un parti islamiste menace l'Algérie d'une révolution (AFP, Le Point)
"Le président fondateur du parti radical islamiste Front de la Justice et du Développement (FJD) Abdallah Djaballah a dénoncé dimanche à l'AFP le scrutin législatif du 10 mai qui a laminé les islamistes et menacé le pays d'une révolution" — Un parti radical islamiste menace d'une révolution (AFP, La Libre Belgique)
"Le campagne en vue de l'élection présidentielle égyptienne s'est officiellement ouverte lundi 30 avril. Elle prendra fin le 21 mai. Le premier tour du scrutin se jouera les 23 et 24 mai et le second les 16 et 17 juin. Le successeur de Hosni Moubarak sera officiellement désigné le 21 juin. Sur les 23 dossiers de candidatures soumis à la commission électorale, dix ont été rejetés, dont ceux de trois personnalités controversées..." — Le casting de la présidentielle (Christophe Ayad, Benjamin Barthe et Claire Talon, Blog L'Egypte à l'heure du choix, Le Monde)
"Ric a trouvé plus extrémiste que lui. Le très néoconservateur Richard Grenell, qui avait été nommé il y a deux semaines porte-parole du candidat républicain Mitt Romney pour la politique étrangère, a dû démissionner mardi 1er mai sous la pression des ultra-conservateurs chrétiens. Il était homosexuel et ne s'en cachait pas" — Sous la pression des ultraconservateurs, Mitt Romney se sépare d'un conseiller gay (Corine Lesnes, Le Monde)
Une nouvelle décision du pape Benoît XVI vient de mettre en stand-by la reconnaissance officielle du Chemin néocatéchuménal, le mouvement fondé par Kiko Argüello et Carmen Hernandez dans les années 60. Il y a à peine quelques mois, le 20 janvier 2012, le Vatican avait validé les célébrations non liturgiques du Chemin, c’est-à-dire celles contenues dans le « directoire catéchétique du chemin néocatéchuménal » et qui comprennent l’intégralité du parcours de redécouverte du baptême proposé par le mouvement à ses communautés. C’est pourquoi personne (et surtout les adeptes du Chemin) ne s’attendait à une manœuvre d’arrêt de ce genre, tellement imprévisible : l’ouverture d’une enquête spéciale de la part de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pour examiner la conformité des messes du Chemin à la doctrine et à la pratique catholique.
La pérégrination récente à travers l’île de la Vierge de la Charité du cuivre, la patronne de Cuba, illustre la nouvelle approche de la religion par les autorités cubaines — Cuba : entre l’Eglise et l’Etat, des relations ambiguës (Geneviève Delrue, RFI)
La Chine réfute un rapport américain sur la liberté religieuse (Radio Chine Internationale)
"Voilà l'un des hommes les plus occupés de Bamako. L'imam Mahamoud Dicko est le président du Haut conseil islamique du Mali (HCI) et il cherche des solutions pour éviter que le pays ne sombre dans la violence" - Un responsable religieux au secours du Mali (Jean-Philippe Rémy, Blog Africa Nova, Le Monde)
"A Philippine Catholic school is withholding the diplomas of six high school boys who uploaded Facebook photos that appear to show them kissing each other, an education official said on Friday" - Philippine Catholic school punishes boys over Facebook photos (AP, The Guardian)
L’appréciation de la place que tient la haine des Juifs en milieu musulman soulève aujourd’hui d’âpres controverses. Entre une vision résolument optimiste, qui tend à exonérer dans l’ensemble la sphère politico-culturelle musulmane des pires taches qui ternissent en la matière le monde chrétien – c’était notamment l’approche de savants juifs du XIXe siècle, paradoxalement recyclée aujourd’hui... par l’arabo-islamisme – et une approche plus attentive aux discriminations et tueries dûment attestées par la documentation, mais minimisées par les islamologues classiques, le risque est grand d’imposer le choix entre une histoire « édénique » et une autre « lacrymale », également tendancieuses.
Rien ne semble en tout cas rappeler, dans l’islam prémoderne, la démonisation du Juif qui domine l’imaginaire dans le monde chrétien contemporain : pas d’accusation d’empoisonner les puits ou de répandre la peste, ni mythologie du « Juif éternel ». Rien, surtout, qui véhicule une charge émotionnelle et symbolique comparable à celle de l’épouvantable accusation de déicide. Il faut certes compter avec la lourde accusation théologique d’avoir falsifié la Révélation.
Mais, dans le vaste empire musulman, la dominante pourrait bien être le mépris du dominant pour le dominé, avec sa traduction institutionnelle : le statut de dhimmi imposé aux Juifs. En retour de la protection de l’Ummah islamique, le minoritaire « protégé » paie une taxe spécifique, la djizia ; les autres taxes qu’il doit acquitter sont majorées ; parfois il lui est imposé de se vêtir de manière spécifique ou interdit d’accéder à certains emplois publics ; il ne peut porter les armes, monter à cheval ou témoigner en justice quand des musulmans sont impliqués ; des restrictions peuvent frapper l’entretien ou la construction de synagogues ; le Juif ne peut porter de nom arabe ou étudier le Coran.
Dans la pratique, la condition socio-économique des Juifs varie selon les lieux et les époques. Ils sont relativement libres de choisir profession et lieu de résidence. C’est ainsi que le confinement des Juifs au mellah (ghetto) n’est pas, au Maroc, antérieur au XVe siècle et ne se généralisera qu’au début du XIXe. Les califes de la dynastie égyptienne des Fatimides d’Égypte (Xe-XIIe siècles) passent pour leur avoir été favorables. Et non moins accueillant fut l’empire ottoman, le plus grand État musulman que l’histoire ait connu (1299-1922).
L’Espagne médiévale sous domination musulmane – Al Andalous – incarne exemplairement l’ambiguïté de la situation des Juifs en terre d’islam. Conquise à partir du VIIIe siècle, elle n’est totalement rechristianisée qu’avec la chute de Grenade, au terme de la Reconquista, en 1492. Elle a été indûment mythifiée, au point que d’aucuns n’hésitent pas à la présenter aujourd’hui comme un modèle de tolérance, si ce n’est comme une anticipation de la société “multiculturelle”. De fait, elle se signale, pour ce qui est du judaïsme, par une exceptionnelle créativité sociale et culturelle, à telle enseigne qu’on a pu l’évoquer en termes d’« Âge d’Or ».
Il s’en faut pourtant que les relations avec les maîtres musulmans y aient été iréniques : un pogrom éclate à Cordoue en 1011, un autre à Grenade en 1066 (le vizir juif Joseph ibn Nagrela est crucifié et 4.000 de ses coreligionnaires massacrés). La dynastie des Almohades, qui domine de son islam messianique et militant le Maghreb et l’Andalousie (1147-1269), fournit une exception majeure au libéralisme musulman supposé à date ancienne : en 1165, un édit impose aux Juifs le choix entre la conversion et la mort. Le grand philosophe, juriste et médecin Maïmonide (1135-1204) sera contraint à feindre la conversion et à prendre la fuite. C’est au même qu’on doit une Lettre au Yémen, où il livre aux Juifs de cette région, eux aussi soumis à la persécution, ses réflexions et directives. Les manifestations littéraires d’antisémitisme ne manquent pas : des Xe et XIe siècles date une propagande qui présente les Juifs comme des êtres fourbes, oppresseurs et exploiteurs des musulmans, qui se solda en Égypte par des morts nombreux.
Le rôle de l’influence occidentale dans la genèse de l’antisémitisme moderne en pays d’islam n’est pas discutable. C’est dans le sillage de l’expansion coloniale européenne du XIXe siècle, avec son cortège de pratiques politiques, commerciales et missionnaires, que s’insinuent nombre d’idées antisémites – à l’instar d’autres concepts modernes. Le truchement des Arabes chrétiens d’orientation nationaliste aurait été crucial dans ce processus d’acclimatation, qui se nourrira de la rivalité des nationalismes juif et arabe et ne parviendra à maturité qu’avec la naissance du conflit arabo-israélien.
Déjà l’Affaire de Damas (1840) présente une coloration « occidentale » : lorsqu’un moine italien et son serviteur disparaissent, des Juifs de la ville sont accusés de « crime rituel » et déclarés coupables. Divers consuls occidentaux sont impliqués dans la polémique, autant que des acteurs locaux. En découle une série de pogroms au Proche-Orient et au Maghreb. La seconde moitié du siècle et le début du XXe seront d’ailleurs émaillés d’autres massacres de Juifs dans la région. C’est ainsi que le quartier juif de Fès (Maroc) est quasiment détruit par la populace en 1912.
La montée, puis l’accession du nazisme au pouvoir en Allemagne a des incidences directes sur les pogroms en Algérie dans les années 30, et les attaques qui visent les Juifs d’Irak et de Libye au cours de la Seconde Guerre mondiale (180 Juifs sont massacrés et 600 blessés par des musulmans pronazis à Baghdad en juin 1941). Une indéniable sympathie pour Hitler a gagné dès 1933 nombre d’Arabes, qui aperçoivent dans son éventuelle victoire la possibilité d’une promotion du monde musulman. Des partis politiques marqués par l’idéologie nazie voient le jour, qui resteront influents au lendemain de la guerre.
Mohammad Amin al-Hussayni, grand mufti de Jérusalem, cherche à créer avec le Führer (qui le recevra à Berlin le 30 novembre 1941) une alliance contre les Juifs : antisémitisme et nationalisme sont aux sources de son projet d’ « élimination d’un foyer national juif ». Il est impliqué entre autres dans le recrutement de musulmans bosniaques dans plusieurs divisions de Waffen SS. Mêmes sympathies fascisantes en Irak (coup d’État de Rashid Ali et pogrom à Baghdad en 1941), en Iran (Reza Shah Pahlavi), en Égypte (Jeune Égypte, fondé en 1934 par Ahmad Hussayn ; le courant nationaliste). Bien qu’ils s’en défendent, l’Égypte, la Syrie et l’Iran ont donné asile après la Seconde Guerre mondiale à des criminels de guerre nazis.
L’« antisionisme » arabo-musulman applique dans ce contexte la panoplie des pratiques connues par l’antisémitisme européen. Dès les années 30, on peut relever, de l’Irak au Maroc et du Yémen à la Syrie, nombre de cas où les Juifs sont frappés de perte de la nationalité, d’incapacités juridiques, de mesures diverses d’isolement des personnes, de spoliation économique, de discriminations socio-économiques, quand ils ne sont pas victimes d’une violence physique, qu’elle prenne la forme du pillage, de l’assassinat individuel ou du pogrom (Constantine, Algérie, 5 août 1934 : 27 morts ; Tripoli, Libye, janvier 1945 : 135 morts...).
Les heurs et malheurs du nationalisme arabe, de ses pratiques et de ses mythes constituent l’arrière-plan de cette massive absorption de conceptions en provenance d’Europe, qui se marient avec plus ou moins de cohérence avec les données héritées du passé musulman prémoderne. Que la lutte contre l’Europe colonialiste ait cru nécessaire d’emprunter à celle-ci quelques-unes de ses obsessions et pratiques les plus nauséeuses est en soi révélateur de la profonde crise d’identité du monde musulman.
Prospérant aujourd’hui sur le terreau de l’échec des États nés de la décolonisation à arracher leur population à la misère économique, au sous-développement politique et culturel et au doute qui les taraude quant à leur avenir, l’islamisme invoque une utopie réactionnaire fondamentaliste – un islam pur des origines – comme solution à l’impasse que connaît l’islam, exportable par la « guerre sainte » (Jihâd) à l’ensemble du monde musulman, en ce compris les banlieues des grandes villes occidentales. Dans cette idéologie englobante, l’État d’Israël, mais aussi immanquablement à sa suite « les Juifs » dans leur ensemble, sont résolument arrachés à leur réalité empirique pour renouer avec leur statut fantasmatique – en quelque sorte métaphysique – de cause du Mal. Ce statut métapolitique, déréalisé, imposé aux Juifs est à la racine de tous les délires antisémites que dégorgent à foison nombre de sites internet, blogs et média dans le monde musulman, tout autant que la rhétorique de mouvements politiques tel le Hezbollah ou d’un État comme l’Iran.
Jacques Déom (ULB).
"Le parti islamiste Ennahda, qui domine l'Assemblée nationale constituante (ANC), en Tunisie, a annoncé, lundi 26 mars, son soutien au maintien de l'article premier de la Constitution de 1956, qui suscite des tiraillements politiques entre modernistes et islamistes. Cette décision va à l'encontre des demandes formulées par les islamistes pour que la charia (la loi islamique) soit reconnue comme source principale de la législation dans la nouvelle Constitution du pays" - Ennahda contre l'inscription de la charia dans la Constitution tunisienne (AFP et AP, Le Monde)
"Pour la première fois aux Etats Unis, un évêque catholique comparaît devant la justice pour avoir couvert des prêtres pédophiles. Son procès s’est ouvert le 26 mars. Il risque 14 ans de prison" - Pédophilie: un évêque américain dans la tourmente (P. G., Catho.be)
Amina Al Filali, 16 ans, a été obligée par la loi d’épouser celui qui l'avait violée. La jeune fille s'est suicidée, déclenchant une réflexion dans le pays sur la protection des femmes. Dans de nombreuses familles où le poids de la tradition et de la religion est très fort, la perte de la virginité hors du mariage est considérée comme un déshonneur pour la famille — Le Maroc choqué après le suicide d'une jeune fille violée (Caroline Bruneau, Le Figaro)
La religion en Constitutions — Une opinion de Loïc Le Pape sur "The politics of religion/Les politiques du religieux" (Hypothèses.org)
"En ce 27 février 2012, l’Inde célèbre un sombre anniversaire. Il y a exactement 10 ans, au Gujarat, bastion des nationalistes hindous et théâtre de conflits interreligieux récurrents, l’incendie d’un train déclenchait l’un des pogroms les plus violents de l’histoire du pays. Plus de 2000 musulmans ont trouvé la mort dans ces émeutes" - 10 ans après le massacre des musulmans au Gujarat (Camille Dubruelh, Le Monde des Religions. Photo : Matthew Logelin)
"Un congrès international sur le génocidearménien, intitulé « De la reconnaissance à l’indemnisation », a eu lieu du jeudi 23 au samedi 25 février au catholicossat des Arméniens orthodoxes à Antélias, près de Beyrouth. Les travaux, sous le patronage du catholicos de Cilicie Aram 1er, se déroulaient en présence de juristes internationaux" - Liban : Un colloque sur le génocide arménien (Apic/at, Catho.be)
"Le ministre allemand des affaires étrangères, Guido Westerwelle, a appelé dimanche 26 février à la libération du pasteur Youssef Nadarkhani. «J’exige expressément de l’Iran qu’il renonce à l’exécution de Youssef Nadarkhani et le libère immédiatement», a déclaré le chef de la diplomatie dans le journal dominical Bild am Sonntag" - L’Allemagne appelle à la libération du pasteur Nadarkhani en Iran (La Croix)
"The Church of England is, in its own confounding and impenetrable way, preparing to welcome women as bishops. At the meeting of its general assembly earlier this month there was much debate about what should be done for Anglicans who do not accept female clergy ahead of a vote this summer. Among these traditionalists are several women" - The women who oppose female bishops (Riazat Butt, The Guardian)
"Le ministre de la Défense n’a pas de chance avec ses propositions budgétaires : après s’être fait remonter les bretelles par Steven Vanackere, les Médias catholiques l’ont pris dans leur collimateur pour sa proposition de supprimer le congé du lundi de Pentecôte" - Les Médias catholiques "caramélisent" De Crem ! (La Libre Belgique)
"L'Union des Centres culturels Islamiques de Belgique procédera dimanche prochain à la pose de la première pierre d'une mosquée d'une capacité de 370 places et d'un centre éducatif également ouvert aux non musulmans, au coeur de la commune de Saint-Josse, commune bruxelloise centrale" - Bientôt une nouvelle mosquée à Saint-Josse (Belga, La Libre Belgique)
"La mosquée et le centre éducatif Selimiye seront accessibles à tous dès 2013" - Une mosquée ouverte sur la ville (La Libre Belgique)
"L'avenir de certaines églises a été débattu, ce lundi, au Parlement wallon. A l'heure où chaque niveau de pouvoir cherche à faire des économies, le PS voudrait faire un relevé précis des édifices religieux pour éventuellement en désacraliser certains et notamment les églises désertées par les fidèles. Une façon de limiter les subsides liés à leur entretien. Un sujet qui divise" - La désacralisation de certaines églises en débat au Parlement wallon (C.B. avec Rudy Hermans, RTBFInfo)
"L’écologie est à la mode, elle entre dans les débats et se décline dans de nombreuses thématiques. Sans cette prise de conscience, que deviendrait notre planète? Dans cette perspective, l’écologie humaine a aussi sa place. Dresser les contours de l’écologie humaine et médicale, pour remonter aux sources de l’infertilité, c’était le propos d’un colloque sur les causes de l’infertilitéorganisé les 24-25 février à Rome sous l’égide de l’Académie pontificale pour la vie" - Le Vatican encourage la recherche sur l’infertilité (Apic/zenit/Lcx/BL, Catho.be)
A l’époque du clonage, où mode et par conséquent notion même de procréation évoluent considérablement, il nous est très difficile de concevoir dans leur urgence et leur nécessité les « querelles byzantines » qui, au long de l’histoire de l’empire byzantin touchèrent à des points fondamentaux de la doctrine concernant la personne et la « naissance » du Christ, et engendrèrent de multiples hérésies. Elles témoignent en fait d’une réflexion pointue sur la religion, mais mettent aussi en évidence la subjectivité de la notion d’hérésie. Ce qui fut considéré ici comme hérésie n’a-t-il pas ainsi ailleurs été reconnu comme « orthodoxie » ?
Si l’orthodoxie (« la foi droite ») se définit en général, et à Byzance en particulier, comme la conformité à des normes de foi officiellement fixées par une Eglise, l’hétérodoxie, son contraire (« la foi autre », la fausse foi), désigne la divergence, l’écart par rapport à ces normes. L’hétérodoxie se traduit concrètement en hérésie, mauvais « choix », opinions et pratiques déviantes.
Le contenu de la foi orthodoxe se précise et s’édicte progressivement, en territoire byzantin, au fil des conciles. Chacun de ces conciles est appelé et justifié par la volonté d’éradiquer des déviances perçues comme dangereuses pour la « vraie » foi.
La première hérésie christologique, l’arianisme, prend corps au tout début du IVe siècle, avant même la naissance de l’empire byzantin (330). Elle se résume simplement : Dieu est-il un ou trois ? L’évêque Arius oppose Dieu le Père au Fils, le Christ : le Fils ne peut être identifié au Père puisqu’il en est une émanation, il a été créé par lui. Par conséquent il n’est pas de la même essence divine que lui. En outre pour Arius l’Esprit Saint émane du Fils, comme le Fils du Père. Le premier concile œcuménique, le concile de Nicée, en 325, affirme la consubstantialité du Père et du Fils et donc la totale divinité du Fils. Mais il ne se prononce pas sur la question de la Trinité divine. Elle reste en suspens.
L’apollinarianisme, dans la seconde moitié du IVe siècle, est la conséquence directe de l’affirmation de la consubstantialité Père / Fils. L’évêque Apollinarius s’interroge sur la jonction, possible ou non, de la divinité et de l’humanité dans le Christ. Selon lui, il n’y a qu’une seule personne, divine, dans le Christ, même s’il s’est incarné dans un corps humain. En réaction à cette hérésie, le second concile œcuménique, tenu à Constantinople en 381 sous l’empereur Théodose I, affirme la consubstantialité de la Trinité divine, Père, Fils, Esprit Saint. Le Père engendre le Fils, du Père procède l’Esprit Saint. Le concile affirme aussi la présence et la non-confusion dans une seule personne du Christ des deux essences, divine et humaine.
Cette affirmation appelle la naissance et le développement de l’hérésie suivante, le nestorianisme.
Au cours du premier tiers du Ve siècle Nestorius, évêque de Constantinople, pousse à son point d’aboutissement la distinction entre les deux essences du Christ : leur dissemblance les empêche de s’unir dans une même personne. Aussi Nestorius substitue-t-il à la notion d’essence celle de personne. Pour lui il s’agit non de l’union de deux essences en une personne, mais de l’union de deux personnes, divine et humaine, en une seule. Cette théorie implique une individualisation de la personne humaine dans le Christ, en contradiction avec le dogme officiel selon lequel le Christ incarne la quintessence de l’humanité. Nestorius conteste aussi la dénomination de la Vierge Marie comme Theotokos, « mère de Dieu », qui à ses yeux la déifie alors qu’en fait elle a seulement transmis son humanité au Christ. Le concile d’Ephèse, troisième concile œcuménique, réuni en 431 sous Théodose II, rectifie les affirmations déviantes de Nestorius. Mais ses conclusions ne suffisent pas à éradiquer le nestorianisme. Il faudra dans ce but réunir au siècle suivant le cinquième concile œcuménique, tenu à Constantinople en 553 sous l’empereur Justinien.
Prenant le relais du nestorianisme, le monophysisme privilégie la thèse d’une unique nature du Christ après l’Incarnation, dont le corollaire est la contamination de la nature divine par la nature humaine via le transfert de sa capacité à souffrir, donc à être modifiée dans son état. Ce résultat est incompatible avec le postulat de stabilité, d’immuabilité qui caractérise la nature divine. En 451, sous l’empereur Marcien, le concile de Chalcédoine, quatrième concile œcuménique, réfute alors le monophysisme.
Malgré leur condamnation officielle, les monophysites n’ont pas disparu. Ils ont fondé ensuite en particulier l’Eglise copte d’Egypte, et en Syrie l’Eglise jacobite. Ces deux Eglises sont donc nées d’une hérésie. Hérésie pour les uns, orthodoxie pour les autres : on touche aux limites de la notion d’hérésie. Elle paraît bien fluctuante.
Dans le sillage du monophysisme se sont aussi développées deux hérésies mineures : le monothélisme (une seule nature et une seule volonté, divine, dans le Christ) et le monoénergisme. (une seule puissance d’action commune aux deux natures du Christ). Ces deux hérésies sont condamnées en 681, sous Constantin IV, par le concile de Constantinople, sixième concile œcuménique.
Avec l’iconoclasme s’ouvre en matière d’hétérodoxie à Byzance une seconde période, caractérisée par l’imbrication étroite du politique et du religieux. La question de la représentation du Christ se trouve au fondement de cette nouvelle hérésie, qu’une décision impériale fait naître : en 730, l’interdiction subite par l’empereur Léon III non pas des images religieuses – représentation du Christ, de la Vierge Marie et des saints – mais du culte rendu à ces images sous forme de prosternations et de baisers, considérés désormais comme autant de manifestations d’idolâtrie.
En 754, Constantin V aggrave l’interdiction de Léon III. Partant de l’affirmation qu’il est impossible de représenter le Christ à cause de la part divine qui est en lui, à la fois il élargit l’interdiction de culte formulée par Léon III à celle de production des images, et l’interdiction de représenter le Christ à celle de l’ensemble des figures religieuses. Il ordonne par conséquent la destruction de toutes les images religieuses existantes. L’iconoclasme, devenu doctrine officielle de l’empire, a par là-même acquis le statut de doctrine « orthodoxe » et l’iconodoulie, jusqu’à 730 intégrée dans les pratiques courantes et acceptées de la foi, se trouve rejetée comme une hérésie. S’ensuit une politique de répression extrêmement cruelle contre les iconodoules, qui ne prend fin qu’avec l’avènement de Léon IV (775), beaucoup plus modéré dans la défense de l’iconoclasme.
La régence de l’impératrice Irène marque le retour à l’iconodoulie. Irène réunit en 787 à Nicée le septième et dernier concile œcuménique qui rétablit le culte des images religieuses, et permet à cette fin de relancer leur production. Pendant plus d’un quart de siècle l’iconodoulie demeure la position officiellement adoptée par l’empire.
A partir de 815, Léon V, se situant dans la même perspective d’analyse politique que Léon III en imputant à l’iconodoulie considérée comme une démarche idolâtre les échecs militaires subis tout au long du tiers de siècle précédent, réinstaure l’iconoclasme. Ses successeurs Michel II et Théophile entérinent ce choix. La mort de Théophile en 842 entraîne la fin de l’iconoclasme.
A travers des siècles d’histoire marqués de conflits religieux souvent sanglants émerge un constat, celui de la fragilité de son contenu quand il s’agit d’appréhender le concept d’hétérodoxie. Les normes mêmes à partir desquelles on le définit peuvent se voir soumises à variabilité. L’hérésie peut être arbitrairement décrétée comme telle dans et par un système de pensée « unique », exclusive. L’exemple de l’iconoclasme, à la frontière de l’hérésie, à la croisée de l’orthodoxie et de l’hétérodoxie, le montre tout particulièrement.
Florence Meunier (Université Paris IV-Sorbonne et ULB).