Il y a quarante ans, les Iraniens mettaient un terme à une longue tradition impériale avant de se doter d’un système politique basé sur une idéologie : le velayat-e faqih, à savoir « la tutelle du juriste-théologien ». Cette idéologie fait du guide suprême religieux la pierre angulaire du régime. Pour autant, ni la révolution ni l’instauration postrévolutionnaire d’un chiisme institutionnel ne saurait valider la thèse – comme celle de Peter L. Berger (The Desecularization of the World, 1999) – consistant à voir dans le retour religieux sur la scène politique un phénomène de « dé-sécularisation ». En fait, l’Iran chiite, en rompant avec la politique du Shah a mis un terme à un type de sécularisation : celui du modèle occidental visant un rabattement du religieux dans la sphère privée, voire un effacement du religieux au profit d’une considération de la raison comme nouvelle source de toute norme.
Un grand nombre d’intellectuels, dont Olivier Roy, estiment qu’aujourd’hui, l’Iran est la société la plus sécularisée de tout le monde musulman. La révolution islamique de 1979 n’aurait dès lors pas abouti à la domination de la religion sur la vie sociale et le jeu politique, mais au primat du politique et l’entrée dans une forme de sécularisation. En partant de cette idée, cet article se penche sur l’apparition du chiisme, son imposition comme religion d’État en Iran et la place du religieux dans ce pays.
Le 14 juin prochain auront lieu les onzièmes élections présidentielles, afin d’élire le nouveau président de la République islamique d’Iran. Ces élections se révèlent importantes sur le plan international, car le système politique iranien se présente comme un modèle pour les autres pays musulmans, où les « institutions républicaines » pourraient à l’avenir aller de pair avec la légitimité islamiste. Mais, en réalité, les élections de 2013 sont verrouillées et leur résultat ne paraît pouvoir prétendre refléter réellement la volonté du peuple iranien et ses aspirations.