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mercredi 28 mars 2012

L'antisémitisme (15/16) : Belles-lettres et sentiments haineux

Écrit par  Schreiber
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L’antisémitisme a produit une ample littérature, dont le plus gros est fait de pamphlets minables de tonalité odieuse, d’ouvrages perversement pseudo-scientifiques, de fictions plus ou moins délirantes. Dans cet océan de médiocrité haineuse, certains titres ne manquent jamais d’attirer l’attention : les Protocoles des Sages de Sion ou Mein Kampf, par exemple, jouissent d’un succès durable, à en juger par le nombre de leurs rééditions et des traductions auxquelles ils donnent lieu.

On voudrait croire clos sur lui-même ce sinistre corpus et la « grande littérature », celle que produit la haute culture, puisant aux sources vives de la séculaire créativité occidentale, intouchée par ce qui l’inspire. Ce serait sous-estimer naïvement l’emprise profonde du « code culturel » que constitue l’antisémitisme, y compris sur des écrivains dont personne ne songe à nier le talent, si ce n’est le génie. Des œuvres centrales de la littérature contemporaines sont plus ou moins profondément marquées par la haine des Juifs. D’où le malaise persistant que suscite par exemple, dans l’univers francophone, un Louis-Ferdinand Céline (1894-1961).

L’inoubliable auteur du Voyage au bout de la nuit l’est également de l’immonde Bagatelles pour un massacre. Et si l’on peut lire le premier titre dans l’édition de prestige de la Bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard, on n’y trouvera pas le second, alors que rien n’autorise à supposer que les deux textes relèvent dans l’esprit de leur auteur de registres différents. Sans présenter les mêmes traits délirants, les romans de Georges Simenon (1903-1989) ou le théâtre de Michel de Ghelderode (1898-1962) laissent transparaître leur antipathie pour les Juifs. Il en va de même d’une étoile de première magnitude de la littérature anglaise comme Thomas S. Eliott (1888-1965). Quant au poète Ezra Pound (1885-1972), à qui l’on doit une influente critique littéraire et de révolutionnaires Cantos, ses diatribes profascistes et antisémites sur les ondes de la radio italienne du temps de Mussolini lui vaudront d’être le seul Américain condamné pour crime de guerre, puis interné comme aliéné...

Jacques Déom (ULB).

Dernière modification le vendredi 28 septembre 2012

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