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mercredi 28 mars 2012

L'antisémitisme (12/16) : Au cœur du judaïsme : la Pologne

Écrit par  Schreiber
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Il fut un temps où la Pologne était « un paradis pour les Juifs ». C’est le milieu du XVIe siècle, sous les règnes de Zygmunt Ier et Zygmunt II Auguste. Les trois-quarts peut-être des Juifs du monde de l’époque y résident. Le pays a accueilli massivement des expulsés d’Europe occidentale, notamment d’Espagne (1493), mais surtout d’Allemagne. Le judaïsme connaît l’apogée du système d’autonomie communautaire (le Kahal). Et sa culture atteint des sommets.

Chaos politique et haine des Juifs

1648 marque un coup d’arrêt à cet essor collectif. Le soulèvement des Cosaques, avec à leur tête Bogdan Chmielnicki, contre la noblesse polonaise se solde par l’assassinat de dizaines de milliers de Juifs (et de Polonais) dans ce qui est aujourd’hui l’Ukraine. Invasions des Russes, des Tatars de Crimée, des Ottomans, guerre désastreuse de la Pologne avec la Suède de Charles IX et épidémie de peste auraient coûté la vie à près d’un demi-million de Juifs et les appauvrit considérablement. Avec l’avènement de la dynastie saxonne (1697), ils perdent le soutien du gouvernement.

La tolérance d’antan disparaît et ils se retrouvent livrés à la haine croissante de la noblesse (szlachta), des bourgeois et des paysans. La situation n’est plus guère différente de celle qui prévaut en Europe occidentale. Expulsions des villes, pogroms généralement initiés par des marchands et artisans, attaques par des organisations étudiantes se multiplient au cours du XVIIe siècle. La Pologne glisse vers le désordre et l’anarchie. Elle finira par être la proie de ses puissants voisins russes, autrichiens et prussiens. Trois Partages (1772, 1793, 1795) dissèquent le pays. Le cœur du judaïsme mondial se trouve intégré à l’empire des tsars.

Dans la République de Pologne

Ce n’est qu’en 1918 que la Pologne regagne son indépendance. Guerre civile en Russie, guerre entre la Pologne et l’Ukraine et entre la Pologne et l’Union soviétique sont le contexte de divers pogroms. Des dizaines de milliers de réfugiés affluent, notamment d’Ukraine où, au cours de la Guerre civile, les exactions antijuives ont fait près de 30.000 victimes directes. L’instabilité économique du pays favorise les comportements antisémites : discrimination, expulsions, haine médiatique, violence dans les universités, création par les partis d’extrême droite d’ « escadrons antijuifs ».

La mort de Józef Piłsudski sera vécue comme une catastrophe par bien des Juifs. Son régime (1926-1935) s’oppose en effet résolument à l’antisémitisme en donnant le pas à l’« assimilation à l’État » au détriment de l’« assimilation ethnique » prônée par l’Endecja (extrême droite nationaliste). Ce parti gagne alors en popularité. Émeutes antijuives, ségrégation sur les bancs de l’école, heurts sur les terrains de sport en sont la rançon. Un numerus clausus plus ou moins officiel introduit en 1937 réduit drastiquement le nombre de Juifs à l’université : en 1928, la population juive y fournissait 20,4 % des effectifs ; en 1937, la proportion est tombée à 7,5 %. Une série de syndicats et d’unions professionnelles (médecins, juristes...) intègrent à leur charte des « clauses aryennes » qui excluent les Juifs. Ceux-ci se voient interdire de fait l’accès à la fonction publique.

Les années d’avant la tourmente

Les années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale marquent la phase culminante des sentiments antijuifs dans la population polonaise. Entre 1935 et 1937, 79 Juifs sont tués et 500 blessés dans des exactions antijuives. Endecja prône le boycott des commerces juifs au profit des « magasins chrétiens ». Le cumul des effets de la Grande Dépression et du pillage des commerces juifs entraîne l’appauvrissement radical d’une communauté juive par ailleurs bien moins intégrée à la population globale que ce n’était le cas en Europe occidentale.

Préjugés religieux médiévaux ardemment entretenus par le clergé catholique (jusqu’à l’accusation de « meurtre rituel ») et stéréotypes ultranationalistes (déloyauté des Juifs vis-à-vis de la nation polonaise) sont suffisamment actifs pour que beaucoup de Polonais chrétiens estiment excessivement nombreux les Juifs de Pologne. Et que le milieu politique, confronté à cette « question juive » ait envisagé l’hypothèse de leur émigration en masse...

Un pays « vide de Juifs »

On comptait 3.474.000 Juifs en Pologne au 1er septembre 1939. Lorsque prend fin la Seconde Guerre mondiale, la presque totalité du judaïsme polonais a disparu dans la Shoah.

À Kielce, le 4 juillet 1946, suite à des accusations d’enlèvement d’enfants et de « meurtre rituel », la populace, aidée de militaires et de policiers, massacre 39 Juifs et en blesse 40 autres.

Jacques Déom (ULB).

Dernière modification le vendredi 28 septembre 2012

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