Lorsqu’en 2005, Bobby Henderson affirme dans une lettre ouverte au comité d’État à l’éducation du Kansas que l’univers a été créé par un monstre en spaghettis volant, il est sans doute loin d’imaginer que les dix millions de fidèles qu’il revendique alors constitueront douze ans plus tard une prophétie auto-réalisatrice. Présents dans le monde entier – jusque dans la Syrie en guerre –, les pastafariens constituent une communauté dont la raison d’être ne se limite pas à parodier la religion.
Voilà bien deux siècles, ou presque, que des générations de chercheurs et de spécialistes de la religion posent la question qui est au coeur de l’étude des religions, mais n’appelle sans doute pas de réponse unique ou univoque : "Qu’est-ce qu’une religion ?" Cette interrogation est de nos jours rendue plus complexe encore par la variabilité extrême du phénomène religieux et l’éclatement progressif de ce qui était autrefois au cœur de la religiosité : le lien social. Longtemps, l’autorité publique n’a quant à elle pas eu trop à se poser cette même question dans sa régulation du religieux. En effet, elle considérait la religion de la majorité de la population, plus quelques dénominations certes minoritaires mais traditionnelles et de préférence monothéistes, comme propres à bénéficier de ses largesses ou de son attention. Or, le pluralisme religieux foisonnant que nous connaissons de plus en plus aujourd’hui, la variété des manières de croire, l’apparition de religions nouvelles ou de communautés non croyantes habillées d’oripeaux rituels, voire de religions parodiques, bouleverse désormais la donne. Et suppose d’interroger à nouveaux frais ce qu’est une religion et surtout un culte, à savoir son expression essentiellement publique.