À la question : « Est-ce que le hockey au Canada (et en particulier le Canadien de Montréal, le seul club professionnel de hockey sur glace au Québec) peut fonctionner comme une religion ? », l’on peut sans hésiter répondre : « Oui ! » Pour certaines personnes, dans certaines circonstances, le hockey fonctionne comme une religion, au sens large d’une religion civile, invisible ou implicite ou d’une quasi religion, comme, au sens propre, celle d’une médiation entre les êtres humains et Dieu. Faire du Canadien une religion permet en retour de s’interroger sur la notion même de religion.
Le 10 septembre 2013, le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne du Québec, Bernard Drainville, présente lors d’une conférence de presse les orientations d’un projet de charte des valeurs québécoises redéfinissant les contours de la laïcité dans la province. Depuis bientôt deux mois, ce projet suscite une vive controverse. En effet, les diverses modalités selon lesquelles les acteurs sociaux interprètent les principes aux fondements de la laïcité – qu’il s’agisse du gouvernement, des groupes associatifs ou syndicaux, des universitaires ou même des citoyens – ne sont pas sans effets sur la multiplicité des conceptions de la laïcité présentes dans les débats publics.
La semaine dernière, un colloque réunissait plusieurs chercheurs à l’occasion des cinquante ans de la création de la revue québécoise Parti Pris. Il s’agissait d’examiner l’impact et la signification historiques d’une revue politique qui, de 1963 à 1968, défendit l’indépendance politique et culturelle du Québec, le socialisme et la laïcité, et ce à l’intérieur d’une province encore largement catholique. Parti Pris fut en effet l’une des chevilles ouvrières, et dès lors un symbole historique, de la Révolution tranquille. Est-ce à dire que ses animateurs avaient complètement tourné le dos à la culture catholique dans laquelle ils avaient grandi ? La question a fait irruption lors du colloque et provoqué un vif débat. Pour certains, supposer un substrat catholique dans le discours d’hommes qui ont reçu le label d’intellectuels conduit à discréditer ce statut. La controverse est évidemment galvanisée par la polémique actuelle sur la Charte des valeurs québécoises.
Les débats qui animent la société française sur la redéfinition du mariage et son ouverture aux conjoints de même sexe suscitent de nombreuses prises de positions publiques de l’Église catholique. La plupart des propos tenus sont caricaturaux (« il n’y a pas de reproduction hermaphrodite parmi les hommes », déclare Mgr Vingt-Trois) et les menaces qu’une telle redéfinition du mariage entraînerait sont largement fantasmées (Mgr Barbarin évoque une rupture de société ouvrant la porte à la légalisation de l’inceste et de la polygamie). C’est peut-être bien sur l’institution du mariage que l’Église se positionne dans ces débats mais, sous prétexte de la défense des fondements anthropologiques de la société, ces propos n’en ont pas moins pour conséquence de stigmatiser les homosexuels auxquels ils refusent l’égalité des droits.
Appelé à commenter à la radio le projet de Charte québécoise de la laïcité préconisé par le Parti québécois (PQ) [le grand parti nationaliste du Québec], qui propose d’interdire les crucifix dans les salles des conseils des hôtels de ville, le maire de la ville de Saguenay, Jean Tremblay, a tenu des propos virulents. La crise provoquée par ses déclarations permet de mieux saisir le rapport des citoyens québécois au catholicisme.
La ligne de défense du maire et de ses partisans est intéressante, car elle emprunte à deux argumentaires qui découlent d’un positionnement différent comme groupe francophone canadien. D’une part, il s’agit d’affirmer comme majorité le caractère identitaire (plutôt que religieux) du crucifix. D’autre part, il s’agit de réclamer comme minorité religieuse les compromis légaux autrement réservés aux communautés culturelles. Les francophones du Québec entretiennent en effet une conception ambigüe de leur place politique dans l’ensemble canadien. Majoritaires à 85 % dans la province de Québec, ils sont fortement minoritaires (20 %) au Canada. Ils peuvent donc être dits tout à la fois majoritaires et minoritaires.