Aujourd’hui, bien que son titre ne laisse aucun doute sur son identité, le journal La Croix a l’image d’un quotidien, certes catholique, mais critique à l’égard de l’Église, et de l’actualité politique en général. La diversité des sujets qu’il traite et la qualité de ses articles en font, dans le monde francophone, l’un des lieux d’observation privilégiés des grands débats éthiques et religieux. Il n’en a pas toujours été de la sorte. Les Assomptionnistes qui le fondèrent en 1883 le vouaient à être l’instrument de la croisade par la plume que livrait l’Église contre la République anticléricale. Après la Deuxième Guerre mondiale et d’une manière accrue après 1965, il évolua, pour devenir le relais du catholicisme pluriel tel qu’il s’exprime de nos jours. Deux livres récents se penchent sur cette histoire, dont on fête cette année les 130 ans.
Commentant la décision récente de la Cour de Cassation française relative à la crèche Baby-Loup (La Croix, 8 avril 2013), l’éminent canoniste de l’Université catholique de Louvain Louis-Léon Christians pointait récemment la montée en puissance, en Europe, ces dernières années, de l’entreprise privée comme nouveau « champ de bataille » où se jouerait, dans un contexte de dérégulation et de retrait de l’Etat, l’un des enjeux contemporains de la laïcité. Avant lui, le Haut Conseil — français — à l’Intégration, dans un avis rendu public le 6 septembre 2011, avait déjà mis le doigt sur les expressions religieuses de plus en plus visibles au sein des entreprises, en particulier celles chargées d’une mission d’intérêt général, et s’en était inquiété.
Ce jeudi 2 mai 2013, Habib Kazdaghli, doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de la Manouba à Tunis, a été acquitté, au terme d'une saga judiciaire dont les vives tensions ont témoigné de l’âpreté du climat politique et de la radicalisation des esprits dans la Tunisie post-révolutionnaire, plus que jamais secouée par la question religieuse. Comme nous l’évoquions dans ces mêmes colonnes en octobre dernier, Habib Kazdaghli était en effet poursuivi devant le tribunal correctionnel de la Manouba pour des actes de violence commis par un fonctionnaire, suite à une altercation avec deux étudiantes en niqab, en mars 2012, dans son bureau. Prises à leur propre piège, les plaignantes ont en revanche été condamnées par le tribunal pour détérioration de biens publics et atteinte à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. C'est l'occasion pour ORELA de republier notre analyse du 7 janvier dernier à ce sujet, qui a gardé toute son actualité.
En consacrant un petit ouvrage à la question de l’attitude des pays d’islam à l’égard de la franc-maçonnerie, et ce dans la belle collection de poche qu’il a suscitée à l’Académie royale de Belgique, son secrétaire perpétuel Hervé Hasquin innove doublement. D’une part il propose en effet une synthèse originale relative aux rapports difficiles entre islam et franc-maçonnerie. Dans le même temps, il montre que contrairement aux idées reçues, c’est bien plus le défaut de démocratie que la haine religieuse qui a dans les pays de culture musulmane creusé le lit de l’acharnement à l’égard de la maçonnerie et des principes qu’elle symbolise et véhicule.
L’Ukraine de la période post-soviétique présente une spécificité remarquable par rapport aux autres sociétés du monde slave ou orthodoxe. Son histoire et son passé récent y ont produit un large pluralisme religieux, officiellement protégé par la loi, mais pourtant source de conflits. Les nouvelles déclinaisons de la liberté religieuse et de la laïcité de l’État pourraient dès lors y être menacées par les pulsions uniformisatrices du pouvoir et des acteurs religieux eux-mêmes.
Les Brésiliens sont devenus assez nombreux en Belgique, et particulièrement dans sa capitale, au cours des deux dernières décennies. Très généralement d’extraction populaire et souvent relégués dans une situation administrative d’illégalité, ils occupent les niches professionnelles classiquement réservées au XXIe siècle aux immigrants de fraîche date dans les pays les moins touchés par la crise : travail dans le bâtiment, dans l’entretien des jardins, dans le nettoyage, la restauration, les soins aux enfants, aux personnes âgées, aux malades, la domesticité interne et la prostitution. En émigrant ils ont évidemment emporté avec eux leurs croyances. Si le Brésil était encore considéré au XXe siècle comme uniformément catholique (porteur seulement de traces de syncrétisme avec des cultes africains ou locaux), ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les catholiques sont 64,6 % (soit 123 millions de Brésiliens), les protestants 22,2 % (42 millions de personnes) et 8 % de la population se définit sans affiliation religieuse.
L’historien Léon Saur vient de défendre à l’Université de Paris I une thèse de doctorat monumentale, fruit de quinze années de recherche, intitulée Catholiques belges et Rwanda : 1950-1964. Les pièges de l’évidence. Cet exercice magistral de critique historique, de près de 2300 pages, fera date, sans aucun doute, concernant le Rwanda à l’ère coloniale. Il relève d’un défi vertigineux dans le chef de l’auteur : avoir décidé de tout remettre à plat, de ne se satisfaire d’aucune idée reçue, et de proposer une lecture toute nouvelle de l’histoire du Rwanda à la veille de l’Indépendance, après l’avoir patiemment déconstruite.